Les Décombres
reconnut tous les charmes et toutes les vertus à la République quand celle-ci l’eût rejointe dans son chemin de sang.
Je le répète, il existe sur ces années une immense littérature, comparable en énormité au seul ennui qu’exhalent ses chapitres les plus renommés. J’en ai tracé ce croquis pour la nouvelle génération, qui ne me paraît point très érudite sur ces phénomènes antédiluviens, ou ne les a vus qu’au travers des plus douteux commentateurs. Je l’ai fait pour lui indiquer qu’il ne faut pas chercher de modèle trop rigide dans l’un ou l’autre de deux systèmes qui ont connu la même faillite, et encore moins chez les survivants de ces systèmes-là.
Après 1919, pour quelque temps, les destinées si souvent divergentes de l’Allemagne et de la France coïncidèrent. L’entente des deux pays devenus également démocratiques, passa à l’ordre du jour. Mais c’eût été l’entente de deux pourritures, l’extension d’un chancre mortel. Les combinaisons briandistes et genevoises, dont on voit certains partisans se prévaloir encore aujourd’hui, étaient viciées, frappées de stérilité par l’entremise judaïque, figuraient un Guignol où l’Angleterre tenait tous les fils.
Les nationaux français poursuivaient à la cantonade leur chimérique destruction de l’unité allemande, comme des patauds, le mouchoir sur les yeux, au milieu d’un colin-maillard où tout le monde eût triché. L’unité allemande s’était faite et consolidée bon gré, mal gré. La France, y ayant travaillé des deux mains avant Soixante-Dix, se trouvait bien empêchée de la démolir toute seule. Sa victoire de 1918, péniblement acquise, ne changeait rien à l’affaire, obscurcissait encore les esprits en les meublant d’ambitions mal fondées. Les victoires des coalitions sont rarement fructueuses, surtout quand les coalisés pèsent chacun un poids presque égal. Depuis de longues années, la France démocratisée n’était plus la conductrice de l’Europe. Il était fou de croire qu’elle aurait pu le redevenir au 11 novembre 1918, car elle n’en avait déjà plus les moyens le 1 e août 1914. Si elle les avait eus, elle aurait terminé la guerre seule, trois ou six mois plus tard.
L’unification de l’Allemagne, demeurée en retard sur les États modernes, était une fatalité historique, simplement précipitée par les fautes françaises. Pour réparer de telles fautes, pour s’opposer à de tels mouvements, il eût fallu en 1918 une telle puissance à notre pays et à sa tête un tel génie, que leur envergure n’est plus imaginable. Il eût fallu pousser la guerre jusqu’à Berlin, puis se retourner séance tenante contre l’Angleterre, le tout avec un peuple de quarante millions d’êtres, dont les plus solides et les plus braves étaient morts, dont l’industrie était à demi démolie, qui dépendait par toutes ses fibres vitales des complices à écarter, Albion et l’Amérique. On peut prolonger cette fantasmagorie aussi loin qu’on le voudra. On peut encore se figurer la France imposant au monde la destruction de ses machines-outils, de ses métiers, de ses moteurs, le retour à la quenouille et à la chandelle de suif…
La solution était évidemment ailleurs ! Une France saine et bien conduite eût gardé ses armes, non point pour étouffer l’Allemagne sous leur poids, mais pour faire l’Europe pacifique, souple, cohérente, respirant de tous ses pores, travaillant à plein bras, pour gager cette paix, tenir en respect l’Angleterre, écraser le bolchevisme naissant. De cette entreprise, les jeunes nationaux de 1920 à 1930, pas plus que les jeunes sociaux-démocrates de France, n’avaient le moindre soupçon, trottant les uns et les autres dans le sillage traditionnel de maîtres ennemis, mais également étriqués. De ces maîtres, les uns étaient hypnotisés par la ligne du Rhin, remontaient leur mécanique revancharde – car on poursuivait toujours une revanche, et cette fois, de notre coyonnade – avec le concours des militaires qui n’avaient même pas été capables de s’en servir à bon escient. Les autres menaient paître leurs poncifs dans les nuages. Les démocrates désarmaient la France pour faire de l’Europe une forêt de Bondy sans gendarmes, une foire où seule l’Angleterre trouvait son profit. Les nationaux réclamaient des armes pour pressurer l’Allemagne jusqu’à ce qu’elle crachât ses entrailles, au
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