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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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goût de la hardiesse. C’est pourquoi elle a si souvent recherché, jusqu’aux derniers jours avant la guerre – cela est une certitude absolue – l’entente avec la France, pourquoi elle l’a souhaitée après notre déconfiture militaire. Dans une Europe où elle tiendrait le rôle que l’Angleterre entendait s’arroger, ses intérêts et les nôtres se rejoindraient beaucoup plus souvent. Des quantités de nos concitoyens se peignaient une France aux richesses inépuisables, pouvant se passer du monde entier, imposant ses prix, sans rivale dans tous ses travaux, et dont chacun se disputait l’honneur d’être client. Or, il en allait de ces chapitres comme de tout le reste. Notre suprématie était un leurre, un thème pour comices. Nous nous étions mis dans la dépendance de l’univers. Notre balance commerciale de plus en plus chancelante valait notre budget public. On ne pouvait pas prétendre s’installer agréablement dans un système où l’État, dénaturait les blés de nos paysans pour ménager les trafics de Louis-Louis Dreyfus, où le fin du fin consistait à arracher les oliviers et les ceps de vignes, où les admirables fruits du verger français cédaient partout la place aux pommes, aux poires insipides des Américains. Chacune de nos licences d’importation ou d’exportation était un tripotage de Juifs et de politiciens. Notre flotte commerciale était dérisoire. En Italie, dans les Balkans, en Amérique, en Afrique, partout notre marché essuyait défaites sur défaites.
    Ces défaites pourraient être effacées, comme la grande, dans un nouvel ordre infiniment moins artificiel, moins égoïste que les monopoles judéo-britanniques, et nécessairement plus équitable, plus favorable au travail parce que plus naturel, où la France redeviendrait une grande nation maritime et coloniale.
    Il n’est pour la France d’espoir et d’avenir concevables que dans la paix à longue échéance. On voudrait ne plus avoir à remâcher un tel lieu commun. La folie de certains citoyens nous y contraint. L’ Action Française, dont je souhaiterais fort que ce fût la dernière bouffonnerie, distribuait à ses adeptes il y a quelques semaines encore la consigne suivante : « Faire l’Europe, oui. Mais l’Europe ne pourra être faite que lorsque le drapeau français flottera sur Coblentz et Mayence. » Que telle soit la pensée de Maurras, cela n’a aucune importance, c’est une clownerie pittoresque qui s’ajoute au cirque de la France contemporaine. Mais un Maurras et une ribambelle de ses semblables possèdent encore une action sur d’honnêtes gens, dont la générosité, le patriotisme sont ainsi dévoyés, perdus pour un travail positif. Leur unique idéal est celui d’une France césarienne, dictant sa loi à un continent soumis par ses invincibles armes. Cette vision honore leurs sentiments. Pour qu’elle redescendît des cieux, s’incarnât dans une politique plausible, il conviendrait que la France eût d’abord triplé sa population, décuplé plusieurs fois son industrie, assuré son indépendance économique par une série de conquêtes accessoires, suscité des révoltes chez trois ou quatre de ses voisins sans en subir la moindre contagion.
    Laissons là ces fantaisies. Venant d’où nous venons, nous n’avons point à les pleurer. Il faut que nous sortions enfin de l’ère des massacres. C’est une nécessité vitale pour le monde, et pour nous au premier chef. Nous n’aspirons à aucune conquête. L’intégrité de notre territoire est notre seul souci. Affaiblis effroyablement dans nos cerveaux et notre sang, il nous faudra un long temps pour nous reprendre, suffire par nous-mêmes à nos propres tâches. Léguons la pax gallica à d’autres siècles. L’Allemagne elle-même, avec sa débordante puissance, songe moins à la paix germanique qu’à la paix européenne. Nous saluons celle-ci comme notre plus bel espoir.
    Je n’ignore point qu’Allemands et Français s’observent les uns les autres, non sans défiance. Il ne peut qu’en être ainsi, après de si longues disputes auxquelles l’ère démocratique a fait participer ces deux peuples tout entiers. Les renversements d’alliances étaient autrement aisés sous l’ancien régime, avec des armées réduites, une opinion que l’on se gardait bien de mêler à ces grands desseins. Mais il faut aujourd’hui que les peuples participent à la paix aussi largement qu’ils ont participé aux

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