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Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
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démagogiques par quoi les Herriot et les Blum avaient tenu les ouvriers en haleine. Le décret impatiemment attendu était promulgué. On respirait d’aise. Il occupait la presse, juste le temps de faire célébrer la vigoureuse résolution du plus majestueux gouvernement qu’ait eu la France depuis le Roi-Soleil. Des semaines, des mois s’écoulaient. On apprenait que le décret n’avait encore touché personne, des fonctionnaires narquois vous expliquaient qu’ils attendaient toujours les circulaires fixant les modalités d’exécution. Quand une suffisante couche de poussière s’était accumulée sur le « Journal Officiel » portant ledit décret, un contre-décret intervenait, qui rétablissait la situation, selon la bonne norme démocratique, et qui, lui, était suivi d’effets foudroyants. Si le contre-décret ne suffisait pas, on en prenait un autre, une douzaine s’il était besoin pour que la justice chrétienne fût vraiment satisfaite. Tel a été, par exemple, le scénario immuable pour tous les corps de métier, tous les emplois dont il s’agissait d’évincer les Juifs.
    Ces « menteurs barbouilleurs de lois » ont été pris à leur propre tartufferie ; quand un gouvernement truque lui-même ses lois, il démolit son pouvoir. Il n’y a plus depuis deux ans de légalité française, mais un fouillis de textes inapplicables et qui sont tournés à chaque minute avec la complicité même de leurs auteurs.
    Le Maréchal Pétain a lu plusieurs discours, surtout dans les dix premiers mois de Vichy, qui contiennent à peu près tout ce que les bons Français souhaitent pour leur pays. Avec un peu d’expérience, on a bientôt pu prévoir que chacun de ces très beaux textes annonçait une iniquité ou une sottise imminentes, le discours sur la collaboration européenne inaugurant l’offensive vichyssoise de l’hiver 1940, les assurances prodiguées aux travailleurs étant bientôt suivies d’un renforcement des trusts.
    Les administrations, les institutions de l’État, si piteuses déjà, ont été transformées en d’hallucinantes pétaudières.
    Les commissions de contrôles, les comités et sous-comités d’études, les « familles professionnelles », les pré-corporations, les inspections régionales et départementales, les commissariats généraux à tous les produits possibles et inexistants, se sont enchevêtrés, se sont superposés aux organismes établis et que l’on n’a pas eu le courage d’épurer s’ils étaient utilisables, de renforcer s’ils étaient bons, de supprimer s’ils ne valaient rien. Ils doublent, triplent, décuplent le poids d’une armature légale ou pseudo-légale qui était déjà de plomb et écrasait la nation.
    On y « étudie », on y coordonne – mot inquiétant entre tous, annonçant les plus magistrales incohérences, comme les Centres d’organisation automobile annonçant le C. OR. A2 – c’est-à-dire que l’on palabre en rond et que l’on se chamaille au sujet du paragraphe par lequel il serait opportun d’ouvrir la discussion. Et cela faute d’une volonté centrale, capable d’envoyer des ordres, d’un Parti bien ramifié qui fût les nerfs et les muscles de cette tête à travers tout le pays. Dans l’absence de cette volonté, de ce Parti, solution horriblement entachée d’hitlérisme, incompatible avec la dignité française, on a morcelé à l’infini le pouvoir déjà si misérable de l’État.
    La réforme des provinces consiste, après deux ans, à dire, dans la radio, Dauphiné pour Drôme et Languedoc pour Ardèche, tous ces départements n’en subsistant pas moins, avec des frontières même renforcées.
    Ce sont des barbons sexagénaires que l’on a chargés de définir ce que veut et ce que sera la Jeunesse Française, tirée à hue et à dia entre cinq ou six sectes.
    Quand un organisme a fourni toutes les preuves de sa malfaisance, on le fait « éclater », selon la terminologie nouvelle, c’est-à-dire qu’on le scinde en vingt ou trente cellules et qu’on multiplie l’erreur initiale en la répandant à travers tout le pays. Quand l’inutilité et la nullité d’un budgétivore sont devenues patentes, on se garde de le supprimer, mais on lui adjoint plusieurs autres budgétivores, non moins voraces et superflus.
    Chaque livre écrit depuis deux ans devrait témoigner pour l’avenir qu’il a existé au cœur du XX e  siècle un gouvernement qui a réduit les grandes villes de

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