Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Décombres

Les Décombres

Titel: Les Décombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lucien Rebatet
Vom Netzwerk:
nom de Dantzig.
    Mais en dépit de deux ou trois bouffonneries de cet ordre, l’ Action Française avec la page de Maurras et celle de Boutang redevenait, comme à chaque fois où une grande vague la soulevait, un incomparable journal. La passion du vieux maître réveillait trente années d’anciennes ardeurs. Comme l’été d’avant, mes plus âpres griefs se fondaient à ce feu. Cette décevante et déclinante maison restait le seul lieu où l’on pût vivre de telles heures honorablement et avec quelque utilité.
    Maurras, pendant trois ou quatre jours, avait d’abord louvoyé, cherché des biais de discussion un peu spécieux. Puis, devant la montée du danger, il avait tranché dans le vif, plus hardiment, plus franchement qu’avant Munich, et cette fois dans une solitude de héros.
    Il portait le fer de la raison et de la réalité dans les dilemmes imbéciles des obligations, des engagements, des garanties automatiques, dont les avoués de la guerre ne sortaient pas. Il reposait avec une inlassable opiniâtreté les termes sans cesse déplacés, travestis du problème. Chamberlain et Daladier parlaient de défendre la paix. De quelle paix s’agissait-il ? Dans la paix absolue, nous ne faisions la guerre que si on nous la faisait. Dans la paix conditionnelle, nous ferions peut-être la guerre même si on ne nous la faisait pas. Or, Hitler ne nous la ferait pas. On pouvait concevoir la nécessité d’une guerre préventive. Mais on entreprend de telles guerres pour les gagner. On les gagne quand on en choisit l’heure et le lieu. Or nous n’attaquerions Hitler que s’il faisait telle ou telle chose, dont on l’avertissait. On attaquerait donc Hitler quand il le voudrait, au point et au moment qu’il aurait lui-même choisis :
    « Est-ce fort ? Je dis que c’est stupide. Je juge que c’est se jeter, exactement comme en 1870, dans le piège tendu par un autre Bismarck.
    « Daladier, Daladier, enfant de Carpentras, n’oublie pas le précédent de ce fils de Marseille, ton quasi-homonyme, Émile Ollivier.
    « Plutôt que de se prêter au risque, il est indispensable que les chefs responsables (s’il y a des chefs responsables en République) se demandent s’ils sont dans la conjoncture de 1866 qui était bonne, ou dans la conjoncture de 1870, qui ne l’était pas. La première contenait toutes les promesses de la victoire. La seconde assurait de la défaite. On crut très honorable de mépriser l’une et d’adopter l’autre. Mais la sottise est sans honneur. »
    On fait les guerres offensives pour vaincre. On a la victoire quand on est le plus fort. Cette vérité est modeste. Elle méritait cependant à Maurras notre admiration, parce qu’il fut le seul, ces jours-là, à l’avoir fait entendre.
    « En 1870, l’affaire mexicaine et les palabres parlementaires avaient beaucoup diminué l’armée de l’Empire. Il eût fallu la reconstituer avant de partir comme partit Émile Ollivier. Son successeur, Édouard Daladier, est-il sûr que les malheurs du Front Populaire ont été compensés en dix-huit mois ? Qu’il ne dise pas que nous tenons à en douter. Ce que je demande, j’ai le devoir de le demander. Quelle que soit la confiance des Français dans la force et dans la vertu de leur sang, ceux qui sont, comme moi, placés sur le rempart et qui assistent au départ des jeunes générations, seraient des criminels s’ils ne demandaient pas à M. Daladier s’il est sûr de son heure. Est-ce 1866 ? Est-ce 1870 ?… J’ai des raisons sérieuses de réserver ma réponse. »
    Nous ne pouvions plus ignorer maintenant que la question de Dantzig était déjà loin derrière nous. Le vieillard Chamberlain ne le fardait pas :
    « Nous ne combattrons pas pour l’avenir d’une ville éloignée, dans une terre étrangère, nous combattrons pour la préservation de ces principes dont la destruction entraînerait celle de toutes possibilités de paix ou de sécurité pour les peuples du monde. »
    Maurras bondissait : « La ville lointaine, c’est Dantzig. La terre étrangère, c’est la Pologne. Alors, quoi ? Et de quoi est-il question ? »
    Daladier corrigeait qu’il s’agissait des principes, mais aussi de Dantzig et encore de la Pologne.
    Maurras alors : « Que pouvons-nous pour la Pologne ? Je pense que nous ne pouvons rien. » Il n’avait pas grand-peine à démontrer cette impossibilité stratégique. Et dans le plus audacieux article sans doute qui lui eût

Weitere Kostenlose Bücher