Les Derniers Jours de Pompéi
savante.
– Mais, demanda Nydia, qu’est-ce qui peut engager la riche Julia à faire cette question à sa servante ? n’a-t-elle pas richesse, jeunesse, beauté ? Ne sont-ce pas là des philtres qui peuvent dispenser de recourir à la magie ?
– Pour tous, excepté pour une seule personne, reprit Julia d’un air hautain ; mais on dirait que ta cécité est contagieuse et… Mais n’importe !
– Et cette personne ? dit Nydia avec empressement.
– Ce n’est pas Glaucus, répliqua Julia avec la fausseté habituelle de son sexe ; Glaucus… oh ! non. »
Nydia respira plus librement, et Julia poursuivit après une courte pause :
« Mais en parlant de Glaucus et de cette Napolitaine, tu m’as remis en mémoire l’influence des philtres amoureux, dont peut-être (que sais-je et que m’importe d’ailleurs ?) elle s’est servie pour se faire aimer de lui. Jeune aveugle, j’aime, et…, Julia peut-elle vivre et en faire l’aveu ?… je ne suis point aimée en retour. Cela humilie, ou plutôt cela irrite mon orgueil. Je voudrais voir cet ingrat à mes pieds, non pas pour l’en relever, mais pour lui marquer mes mépris. Quand on m’a dit que tu étais Thessalienne, j’ai pensé que ton jeune esprit pouvait avoir été initié aux mystères de ta contrée.
– Hélas ! non, murmura Nydia, plût aux dieux que cela fût !
– Merci du moins pour ce bon souhait, dit Julia, sans se douter de ce qui se passait dans le cœur de la bouquetière. Mais, dis-moi, tu entends les récits des esclaves, toujours portés vers ces croyances, toujours prêts à employer la magie dans leurs basses amours. N’as-tu jamais entendu parler de quelque magicien de l’Orient, qui possédât dans cette cité-ci l’art que tu ignores ? Je ne te parle point de nécromanciens, de jongleurs de places publiques, je te parle de quelque puissant magicien de l’Inde ou de l’Égypte.
– De l’Égypte ? oui, dit Nydia, en tressaillant. Qui n’a pas, à Pompéi, entendu parler d’Arbacès ?
– Arbacès ! c’est vrai, reprit Julia en ressaisissant ce souvenir. On dit que c’est un homme qui est bien au-dessus des vaines impostures de tant de prétendants à la science ; qu’il est versé dans la connaissance des astres et les secrets de l’ancienne Nuit ; pourquoi ne le serait-il pas dans les mystères de l’amour ?
– S’il y a un magicien vivant dont l’art soit au-dessus de celui des autres, c’est bien ce terrible homme », répondit Nydia ; et elle toucha son talisman par précaution en prononçant ces paroles.
« Il est trop riche pour qu’on lui offre de l’argent, continua Julia ; mais ne puis-je lui faire une visite ?
– Sa maison est une maison funeste pour les jeunes et belles femmes, répliqua Nydia… J’ai d’ailleurs entendu dire qu’il languissait dans…
– Une maison funeste ? dit Julia, s’arrêtant à ces premières paroles. Pourquoi ?
– Ses nocturnes orgies sont impures et souillées… du moins, la rumeur publique le dit.
– Par Cérès ! par Pan et par Cybèle ! tu ne fais que piquer ma curiosité, au lieu d’exciter mes craintes, reprit l’audacieuse et indiscrète Pompéienne. Je veux le voir et l’interroger sur sa science. Si l’amour est admis dans ses orgies, il en doit connaître les secrets. »
Nydia ne répondit pas.
« Je le visiterai aujourd’hui même, dit Julia, oui ; et pourquoi ne serait-ce pas sur l’heure ?
– En plein jour et dans l’état où il est, vous avez sûrement moins à craindre », répondit Nydia, cédant elle-même au désir secret de savoir si le sombre Égyptien possédait des philtres qui pussent faire aimer, philtres dont la Thessalienne avait souvent entendu parler.
« Qui oserait insulter la riche fille de Diomède ? s’écria Julia avec hauteur. J’irai.
– Pourrai-je venir savoir le résultat de la visite ? dit Nydia avec empressement.
– Embrasse-moi pour l’intérêt que tu prends à l’honneur de Julia, répondit-elle, oui, assurément, tu pourras venir. Ce soir, nous soupons dehors. Reviens demain matin à cette heure-ci, et tu connaîtras tout. Arrête ; prends ce bracelet pour la bonne pensée que tu m’as inspirée ; souviens-toi, si tu sers Julia, qu’elle est reconnaissante et généreuse.
– Je ne puis accepter ton présent, dit Nydia en repoussant le bracelet ; mais, toute jeune que je suis, je puis sympathiser avec ceux qui aiment, et qui aiment en vain.
– En
Weitere Kostenlose Bücher