Les Derniers Jours de Pompéi
est-il ainsi ? reprit Julia. Tu parles comme une femme libre, et tu seras libre aussi. Adieu. »
Chapitre 8
Julia visite Arbacès. – Le résultat de cette entrevue
Arbacès était assis dans une chambre qui donnait sur une espèce de balcon ou de portique, devant son jardin. Sa joue, extrêmement pâle, témoignait des souffrances qu’il avait éprouvées ; mais sa constitution de fer avait triomphé des terribles effets de l’accident qui était venu détruire ses espérances au moment de la victoire. L’air embaumé qui effleurait son front ravivait la langueur de ses sens, et le sang circulait plus librement qu’il ne l’avait fait depuis plusieurs jours dans ses veines irritées.
« Ainsi donc, disait-il, l’orage que m’annonçait le destin a éclaté et disparu ; le malheur prévu par ma science, qui menaçait jusqu’à ma vie, s’est éloigné !… j’existe !… il est venu comme les étoiles me l’avaient prédit, et maintenant, une belle, une prospère, une brillante carrière, qui devait s’étendre devant moi si je ne succombais pas, me sourit assurément ; j’ai passé, j’ai dompté le dernier danger réservé à ma destinée. À présent, je n’ai plus qu’à parcourir les riants jardins de l’avenir… sans crainte, en toute sécurité. Le premier de tous mes plaisirs, même avant l’amour, ce sera la vengeance. Ce jeune Grec qui a traversé ma passion, anéanti mes projets, humilié mon audace, au moment où mon fer allait se plonger dans son sang infâme, ne m’échappera pas une seconde fois. Mais par quels moyens me venger ? réfléchissons-y bien. Ô Até, si tu es réellement une déesse, remplis-moi de tes plus saintes inspirations. »
L’Égyptien tomba dans une profonde rêverie qui ne paraissait pas lui présenter une idée claire et satisfaisante. Il changeait continuellement de position, à mesure qu’il repoussait l’un après l’autre tous les plans qui s’offraient à son esprit ; il se frappa plusieurs fois la poitrine et gémit, plein du désir de la vengeance, mais avec le sentiment de son impuissance pour l’accomplir. Tandis qu’il demeurait ainsi absorbé, un jeune esclave entra timidement dans sa chambre.
Une femme, évidemment d’un rang élevé, comme l’indiquaient sa toilette et le costume de l’esclave qui l’accompagnait, attendait en bas, et demandait audience à Arbacès.
Une femme !… son cœur battit avec vitesse.
« Est-elle jeune ? demanda-t-il.
– Sa figure est cachée par un voile, mais sa taille élancée, quoique arrondie, annonce la jeunesse.
– Qu’on la fasse entrer », dit l’Égyptien ; un instant son cœur ému d’un vain espoir se flatta que ce pourrait être Ione.
Le premier regard jeté sur la personne qui entrait dans son appartement suffit pour le tirer de son erreur. Elle était, à la vérité, de la même grandeur qu’Ione et probablement du même âge, bien faite et pleine d’appas : mais où était cette grâce ineffable et attrayante qui accompagnait chaque mouvement de l’incomparable Napolitaine ; cette toilette chaste et décente, si simple dans son arrangement ; cette démarche si digne et si réservée ; la majesté de la femme et toute sa modestie ?
« Pardonnez-moi si je me lève avec peine, dit Arbacès en regardant l’étrangère ; je sors à peine d’une cruelle souffrance.
– Ne faites aucun effort, ô grand Égyptien, répondit Julia, cherchant à déguiser sous les dehors de la flatterie la crainte qu’elle avait éprouvée ; pardonnez à une femme malheureuse, qui vient demander des consolations à votre sagesse.
– Approchez-vous, belle étrangère, reprit Arbacès, et parlez sans crainte et sans réserve. »
Julia s’assit auprès de l’Égyptien, et jeta des regards de surprise autour d’une chambre dont le luxe exquis et coûteux surpassait même celui qui brillait dans la maison de son père ; elle remarqua aussi avec un certain effroi les inscriptions hiéroglyphiques tracées sur les murs, les figures des mystérieuses idoles qui paraissaient la contempler de tous les coins de l’appartement ; le trépied à peu de distance ; et par-dessus tout, elle observa l’air grave et imposant d’Arbacès. Une longue robe blanche couvrait à moitié comme un voile ses cheveux noirs et tombait jusqu’à ses pieds ; sa présente pâleur rendait encore sa physionomie plus expressive ; son œil noir et pénétrant semblait percer l’abri
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