Les Derniers Jours de Pompéi
ta voix.
– Jeune aveugle, que fais-tu à cette porte si tard ?… est-ce convenable à ton sexe et à ton âge ?… à la maison, jeune fille !
– Je te connais, reprit Nydia à voix basse, tu es Arbacès l’Égyptien. » Alors, comme entraînée par une soudaine impulsion, elle se jeta à ses pieds, joignit les mains, et s’écria d’un ton éperdu et passionné : « Homme redoutable et puissant, sauvez-le, sauvez-le, il n’est pas coupable, c’est moi, il est dans cette maison… malade, mourant, et moi… je suis la cause détestable de tout, ils ne veulent pas me laisser pénétrer jusqu’à lui… ils repoussent la pauvre jeune fille aveugle… Oh ! guérissez-le… vous devez connaître quelque herbe… quelque talisman… quelque contre-philtre ; car c’est le breuvage qui a excité cette frénésie…
– Tais-toi, enfant, je sais tout… tu n’as pas oublié que j’ai accompagné Julia à la caverne de la saga… sa main lui aura versé la potion… mais sa réputation exige le silence… Ne te fais pas de reproche… ce qui doit être sera… Je vais voir le criminel, il peut encore être sauvé… adieu ! »
Arbacès se débarrassa alors de l’étreinte de la Thessalienne désespérée et frappa fortement à la porte. Peu d’instants après, les pesantes barres de fer furent enlevées, et le portier, entrouvrant la porte, demanda qui était là.
« Arbacès… qui désire parler à Salluste pour une importante affaire au sujet de Glaucus. Je viens de chez le préteur. »
Le portier, moitié bâillant, moitié gémissant, fit entrer le majestueux Égyptien. Nydia s’élança sur ses pas…
« Comment va-t-il ? s’écria-t-elle ; dites-le moi, dites-le moi !
– Ah ! c’est encore toi, folle enfant ! tu devrais rougir… on dit qu’il est revenu à lui…
– Les dieux soient loués ! et vous ne voulez pas m’admettre en sa présence… ah ! je vous en prie !…
– T’admettre ! certainement non… je ferais un grand tort à mes épaules si je laissais passer des créatures de ton espèce… Va-t’en. »
La porte se referma, et Nydia, avec un profond soupir, retomba sur le seuil et, s’enveloppant de nouveau de son manteau, reprit sa douloureuse veillée.
Pendant ce temps-là, Arbacès était déjà arrivé au triclinium où Salluste était en train de souper tardivement avec son affranchi favori.
« Quoi ! Arbacès, à cette heure !… acceptez cette coupe.
– Non, Salluste, je te remercie de cette offre hospitalière… ce n’est pas le plaisir qui m’amène, c’est pour affaire que je viens te troubler. Comment se porte ton prisonnier ? on dit qu’il a retrouvé sa raison.
– Hélas ! c’est vrai », répondit Salluste en essuyant une larme, car la bonté s’alliait chez lui à la dissipation, « mais ses nerfs et tout son corps ont reçu une telle atteinte que je reconnais à peine le brillant et joyeux compagnon de mes plaisirs. Ce qu’il a de plus étrange, c’est qu’il lui est impossible d’expliquer la frénésie soudaine dont il a été saisi ; il n’a qu’un vague souvenir de ce qui s’est passé, et, en dépit de ton témoignage, sage Égyptien, il soutient solennellement qu’il est innocent de la mort d’Apaecidès.
– Salluste, répondit gravement Arbacès, il y a dans l’affaire de ton ami bien des circonstances qui méritent une indulgence particulière, et, si nous pouvons obtenir de sa bouche l’aveu et le motif de son crime, on pourrait espérer la clémence du sénat : car le sénat, tu le sais, possède le droit de mitiger la loi ou de la rendre plus sévère. C’est pour cela que j’ai conféré avec l’autorité la plus élevée de la ville et obtenu la permission de m’entretenir cette nuit avec l’Athénien. Tu n’ignores pas que le procès s’engage demain ?
– Eh bien ! dit Salluste, tu seras vraiment digne de ton nom oriental et de ta renommée, si tu peux tirer de lui quelque chose ; tu peux essayer. Pauvre Glaucus ! lui qui était doué d’un si bon appétit, il ne mange plus rien ! »
L’aimable épicurien s’attendrit de nouveau à cette pensée. Il soupira, et ordonna à ses esclaves de remplir sa coupe.
« La nuit s’avance, dit l’Égyptien ; permets que je voie ton hôte maintenant. »
Salluste fit un signe d’assentiment et le conduisit à une petite chambre gardée au dehors par deux esclaves assoupis. La porte s’ouvrit et, à la requête d’Arbacès,
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