Les Derniers Jours de Pompéi
riches nuances de la pourpre tyrienne ; ses sandales, montant jusqu’à mi-jambe, étaient garnies de diamants et incrustées d’or. Un charlatanisme digne d’un vrai prêtre d’Isis l’engageait à ne négliger dans aucune grande occasion les artifices capables d’éblouir les yeux et d’imposer au vulgaire. Ce jour-là qui, par le sacrifice de Glaucus, devait le délivrer d’un rival et de la crainte d’être découvert, il lui sembla qu’il devait s’habiller pour un triomphe ou pour une fête nuptiale.
Les personnages d’un certain rang ne manquaient pas de se faire accompagner aux jeux de l’amphithéâtre par tout un cortège d’esclaves, d’affranchis, et la longue suite de la maisonnée d’Arbacès était déjà rangée en ordre autour de la litière.
Seulement, à leur grand chagrin, les esclaves chargés de veiller sur Ione, et le digne Sosie, comme geôlier de Nydia, se voyaient condamnés à demeurer à la maison.
« Callias, dit Arbacès à part à son affranchi, pendant que celui-ci bouclait sa ceinture, je suis las de Pompéi ; je me propose de quitter cette ville dans trois jours, si le vent nous est propice. Tu connais le vaisseau amarré dans le port, et qui appartenait à Narsès d’Alexandrie ; je l’ai acheté : après-demain nous commencerons à y porter tout ce que je possède ici.
– Si tôt ? C’est bien : Arbacès sera obéi. Et sa pupille Ione ?
– Elle m’accompagne. Assez… La matinée est-elle belle ?
– Lourde et accablante. Il fera probablement très chaud dans l’après-midi.
– Les pauvres gladiateurs et les pauvres criminels ! Descends et vois si les esclaves sont prêts. »
Arbacès, resté seul, passa dans son cabinet d’étude, et de là sous le portique dehors. Il vit les longues files de gens qui se dirigeaient vers l’amphithéâtre. Il entendit leurs clameurs et le bruit des cordes au moyen desquelles on élevait la vaste toile dont l’abri devait empêcher les citoyens d’être incommodés par les rayons du soleil, et leur permettrait de jouir à leur aise de l’agonie de leurs semblables. Un son étrange traversa tout à coup les airs et se tut presque aussitôt : c’était le rugissement du lion. Il se fit un grand silence dans la foule ; mais ce silence fut suivi d’un immense éclat de rire. La foule était heureuse de l’impatience affamée du royal animal.
« Bêtes féroces ! murmura Arbacès avec dédain, après cela, sont-ils moins homicides que moi ? mais moi, j’ai tué pour ma défense personnelle ; eux, ils font du meurtre un passe-temps… »
Il tourna alors un regard inquiet et curieux vers le Vésuve ; les vignes qui entouraient ses flancs brillaient au soleil, et le front de la haute montagne paraissait, dans le repos des nues, tranquille comme l’éternité.
« Nous avons encore du temps si le tremblement de terre se dorlote doucement comme cela », pensa Arbacès, et il quitta ce lieu. Il passa près de la table où étaient posés ses papiers mystiques et ses calculs d’astrologie chaldéenne. « Art auguste, se dit-il, je n’ai pas consulté tes décrets depuis que j’ai surmonté le danger et la crise que tu m’avais prédits. À quoi bon ? Je sais désormais que tout dans ma route doit être brillant et aplani ; les événements passés ne l’ont-ils pas prouvé ? Arrière, doutes ! arrière, pitié ! Ne réfléchis, ô mon cœur, ne réfléchis dans l’avenir que deux images : un empire et Ione ! »
Chapitre 2
L’amphithéâtre
Nydia, rassurée par le récit de Sosie à son retour, et satisfaite que sa lettre eût été remise dans les mains de Salluste, conçut encore une espérance. Salluste ne perdrait probablement pas de temps ; il courrait chez le préteur ; on visiterait la maison de l’Égyptien ; on la délivrerait ; on ouvrirait le cachot de Calénus ; Glaucus serait libre cette nuit-là… Hélas ! la nuit passa… l’aurore vint… elle n’entendit rien que les pas empressés des esclaves le long de la salle et du péristyle, et le bruit des apprêts pour aller voir le spectacle dont ils s’entretenaient. De temps à autre, la voix d’Arbacès donnant des ordres arrivait à son oreille… Une fanfare joyeuse se fit entendre… Le cortège se mettait en marche pour l’amphithéâtre ; tous étaient avides de repaître leurs yeux des dernières tortures de l’Athénien.
Le cortège d’Arbacès s’avança lentement et avec solennité,
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