Les Derniers Jours de Pompéi
jusqu’à ce qu’il arrivât à l’endroit où il fallait que ceux qui venaient sur un char ou en litière descendissent pour marcher à pied. Arbacès sortit de sa litière et se dirigea vers l’endroit réservé aux personnes de distinction.
Ses esclaves, se mêlant avec le reste de la multitude, furent placés par des employés qui reçurent leurs billets (comme cela se pratique à notre moderne Opéra), dans la partie de l’amphithéâtre nommée le popularium, disposée pour le vulgaire. Arbacès de son siège dominait la foule impatiente qui remplissait cet énorme théâtre.
Les femmes étaient assises sur les gradins les plus hauts, et séparées des hommes ; leurs brillantes toilettes les faisaient ressembler à un parterre de fleurs. Il est superflu d’ajouter qu’elles formaient la partie la plus bruyante de l’assemblée. Beaucoup de regards se dirigeaient de leur côté, surtout des rangs des spectateurs jeunes et non mariés, qui avaient aussi leurs places à part. Les sièges les plus bas et qui environnaient immédiatement l’arène étaient occupés par les personnes les plus riches et de la naissance la plus illustre, les magistrats, les sénateurs et les membres du corps équestre {87} . Les passages qui, par des corridors à gauche et à droite, donnaient accès à ces sièges, aux deux extrémités de l’arène dessinée en ovale, étaient aussi l’entrée des combattants. De fortes palissades, le long de ces passages, empêchaient toute irrégularité excentrique dans les fantaisies des bêtes, et les forçaient de se contenter de la proie qui leur était assignée. Autour du parapet qui se dressait au-dessus de l’arène, à l’endroit où les gradins commençaient, on voyait des inscriptions et des scènes gladiatoriales peintes à fresque, d’accord avec le genre de divertissement du lieu. Dans tout l’édifice serpentaient d’invisibles conduits, au moyen desquels, à mesure que le jour avançait, des ondées rafraîchissantes et odoriférantes étaient lancées dans l’air pour retomber en pluie sur les spectateurs. Les employés de l’amphithéâtre s’occupaient encore à tendre les velaria, vastes rideaux qui recouvraient tous les assistants, et que les Campaniens regardaient comme une invention de leur génie. Cette tenture étaient formée de la plus fine laine d’Apulie, et ornée de larges raies cramoisies ; mais, soit que ce fût la faute des travailleurs, soit que les machines fussent en mauvais état, les toiles n’étaient pas arrangées ce jour-là aussi bien que d’habitude. Il est vrai qu’à cause de l’étendue de la circonférence, c’était toujours une tâche difficile ; de sorte qu’on n’essayait pas même d’y parvenir lorsqu’il faisait un grand vent. Mais ce jour-là le temps était si calme, que les spectateurs ne trouvaient pas d’excuse à la maladresse des employés, et lorsqu’ils virent une large ouverture, provenant d’une partie des velaria qui s’obstinait à ne pas se réunir à l’autre, ils exprimèrent hautement leurs murmures ; le mécontentement était général. L’édile Pansa, qui donnait les jeux à ses frais, se montra particulièrement contrarié de cet accident ; il appela toutes les malédictions du ciel sur la tête du principal employé, qui, courant, soufflant, suant à grosses gouttes, s’épuisait en ordres et en menaces parfaitement inutiles.
Le tumulte cessa tout à coup… les ouvriers abandonnèrent leur travail… la foule s’apaisa… la malencontreuse ouverture fut oubliée… car une fanfare guerrière avait annoncé l’entrée des gladiateurs. Ils s’avancèrent dans l’arène en pompeux cortège. Ils firent lentement et avec fierté le tour de l’ovale, afin de procurer aux spectateurs le loisir d’admirer leur fermeté et de reconnaître leurs traits, leurs membres et leurs diverses armes, et pour leur donner le temps d’établir leurs paris selon l’inspiration du moment.
« Oh ! dit la veuve Fulvie à la femme de Pansa, pendant qu’elles s’inclinaient sur leurs bancs élevés, voyez-vous ce gigantesque gladiateur ? Comme il est bizarrement habillé !
– Oui, répondit la femme de l’édile avec une complaisante importance, car elle connaissait les noms et les qualités de chaque combattant : c’est un retiarius, un gladiateur au filet ; il n’est armé, comme vous le voyez, que d’une lance à trois pointes, une espèce de trident avec un filet ; pas
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