Les Derniers Jours de Pompéi
moitié portant Ione, Glaucus suivit son guide. Avec quelle admirable prudence elle évita le sentier qui conduisait vers la foule qu’elle venait de quitter, et, par une autre route, atteignit le rivage !
Après beaucoup de pauses et une incroyable persévérance, ils gagnèrent la mer et joignirent un groupe qui, plus courageux que les autres, était résolu à se hasarder dans quelque nouveau péril plutôt que de rester témoin de cette scène de désolation. Ils s’embarquèrent par la plus profonde obscurité ; mais, à mesure qu’ils s’éloignaient du rivage et qu’ils virent la montagne sous de nouveaux aspects, ses torrents de lave jetèrent une teinte rougeâtre sur les flots.
Tout à fait épuisée et abattue, Ione dormait sur le sein de Glaucus, et Nydia était à ses pieds pendant ce temps-là ; les pluies de poussière et de cendres continuaient à tomber dans les eaux et répandaient leur neige sombre sur la barque. Portées au loin et au large par les vents, les ondées descendirent jusque dans les pays les plus lointains, étonnèrent même jusqu’au noir Africain, et roulèrent leurs tourbillons sur l’antique sol de la Syrie et de l’Égypte {98} .
Chapitre 10
Le lendemain matin – Le sort de Nydia
Et la lumière se leva enfin douce, brillante, bien-aimée, sur la surface tremblante des flots. Les vents étaient en repos… l’écume expirait sur l’azur éclatant de cette délicieuse mer. À l’orient, de légères vapeurs revêtaient graduellement les couleurs de rose qui annonçaient le matin ; oui la lumière allait reprendre son empire. Cependant on voyait au loin, sombres et massifs, mais tranquilles, les fragments brisés du nuage destructeur, bordés de bandes rougeâtres qui, tout en s’affaiblissant de plus en plus, indiquaient les flammes encore roulantes de la montagne des « Champs brûlés ». Les murs blancs et les colonnes éclatantes qui avaient décoré ces gracieux bords n’étaient plus. Morne et triste était le rivage, couronné hier encore par les cités d’Herculanum et de Pompéi, enfants chéris de la mer, désormais arrachés à ses embrassements. Durant des siècles l’onde, comme une mère, étendra ses bras azurés, ne les trouvera plus, et pleurera sur les sépulcres de ses deux filles !
Les matelots ne saluèrent pas l’aurore de leurs acclamations ; elle était venue à pas lents, et ils étaient trop fatigués pour s’abandonner à ces vifs éclats de joie ; mais il y eut un long et profond murmure de reconnaissance parmi les veilleurs de cette longue nuit. Ils se regardèrent et sourirent : ils prirent courage ; ils sentirent une fois encore qu’il existait un monde autour d’eux, un Dieu au-dessus. Persuadés que le moment du péril était passé, les plus fatigués se reposèrent et s’endormirent doucement. À mesure que le jour se faisait, on jouissait d’un silence qui avait manqué à la nuit ; et la barque suivait tranquillement sa route. Quelques autres, portant aussi des fugitifs, apparaissaient çà et là. On eût cru qu’elles étaient sans mouvement sur les flots, mais elles glissaient d’une course rapide. Il y avait un sentiment de sécurité, de bienveillance commune et d’espérance, dans l’aspect de leurs légers mâts et de leurs blanches voiles. Combien d’amis, perdus et oubliés dans l’obscurité, pouvaient avoir trouvé sur ces barques un abri et leur salut !
Dans le silence du sommeil général, Nydia se leva sans bruit : elle se pencha sur la tête de Glaucus ; elle respira le souffle profond qui s’exhalait de son sein endormi ; elle baisa timidement et tristement son front, ses lèvres ; elle chercha sa main ; sa main était unie à celle d’Ione ; Nydia soupira profondément, et son visage devint pâle.
Elle baisa de nouveau son front et essuya avec ses cheveux la rosée nocturne dont il était couvert.
« Puissent les dieux te bénir, Athénien ! » murmura-t-elle ; « puisses-tu être heureux avec celle que tu aimes !… Puisses-tu te souvenir parfois de Nydia !… Elle ne peut plus être pour toi d’aucune utilité sur la terre. »
En disant ces mots elle s’éloigna un peu ; elle se glissa le long du tillac et des bancs de rameurs, jusqu’à l’extrémité opposée de la barque, puis, s’arrêtant, s’inclina sur les flots. L’écume vint baigner son front que la fièvre brûlait. « C’est le baiser de la mort », dit-elle ; « qu’il soit le
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