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Les Dieux S'amusent

Les Dieux S'amusent

Titel: Les Dieux S'amusent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Denis Lindon
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près de lui, la côte de l’île qu’il avait aperçue de
son radeau. C’était une côte rocheuse sur laquelle les vagues venaient se
briser avec violence. Ulysse eut d’abord la tentation d’y aborder à l’endroit
le plus proche ; mais il se rendit compte qu’en procédant ainsi il irait
presque à coup sûr se fracasser sur les rochers. Malgré son épuisement extrême,
il décida donc de longer à la nage la côte de l’île, jusqu’à ce qu’il trouvât
un endroit où il pût aborder sans risque. Il lui fallut encore presque toute la
journée pour trouver une petite crique sablonneuse, formée par l’estuaire d’un
fleuve. La nuit tombait presque, lorsque, nu, affamé, grelottant de froid, se
tenant avec peine sur ses jambes, il sortit de l’eau.
    Il s’allongea un instant sur le sable puis, dans un dernier
sursaut d’énergie, se releva : il venait de songer qu’en restant à
découvert sur la plage il risquait, pendant la nuit, de mourir d’une pneumonie
ou d’être dévoré par une bête féroce. En titubant, il fit quelques pas jusqu’à
la lisière d’une forêt toute proche. Là, ramassant des feuilles mortes et
sèches qui jonchaient le sol, il en fit un gros tas, sous lequel il se glissa. Alors,
mais alors seulement, il se laissa sombrer dans le sommeil.

Rencontre avec Nausicaa
    L’île sur laquelle Ulysse avait débarqué était habitée par
les Phéaciens, un peuple connu principalement pour la compétence de ses marins
et la vélocité de ses coureurs à pied. Il était gouverné par le roi Alcinoos. Le
lendemain de l’arrivée d’Ulysse était, au palais d’Alcinoos, le jour de la
lessive hebdomadaire.
    C’était la fille du roi, Nausicaa, qui en était responsable.
Comme chaque semaine, elle se leva de bon matin, fit charger le linge sale de
la famille sur un chariot attelé de deux mulets et, accompagnée d’une douzaine
de jeunes servantes, se rendit à la rivière à côté de laquelle Ulysse dormait. Pendant
toute la matinée, les jeunes filles s’affairèrent joyeusement à frotter, rincer,
tordre et étendre le linge. Ulysse dormait si profondément que leurs rires ne
le réveillèrent pas. Lorsque la lessive fut terminée, Nausicaa et ses compagnes
déjeunèrent légèrement ; puis, en attendant que le linge séchât, elles se
mirent à jouer au ballon.
     

     
    L’une des jeunes filles, dans son ardeur, lança le ballon
trop loin ; il entra dans la forêt, rebondit contre un arbre, alla tomber
sur le nez d’Ulysse. Réveillé en sursaut, celui-ci, se dressant sur son séant, aperçut,
courant vers lui, la troupe joyeuse des jeunes filles. Se levant d’un bond, il
s’apprêtait à aller à leur rencontre, lorsqu’il se rendit compte qu’il était
entièrement nu. Il se saisit alors du premier objet qui lui tomba sous la main,
c’est-à-dire du ballon. Le plaçant devant lui comme une feuille de vigne, il
sortit du bois.
    Même ses admirateurs inconditionnels doivent reconnaître qu’Ulysse,
ce jour-là, n’était pas à son avantage : ses cheveux collés sur le front
par l’eau de mer, ses yeux rougis par le sel, sa barbe hirsute, son corps
tuméfié en plusieurs endroits, et surtout la posture grotesque que lui imposait
la décence, n’étaient guère de nature à inspirer que la pitié ou la répulsion. C’est
ce dernier sentiment qui prévalut chez les servantes de Nausicaa : épouvantées
par le personnage hirsute qui s’avançait vers elles, elles s’enfuirent comme
une volée de moineaux. Seule Nausicaa, poussée peut-être par la curiosité, conserva
son sang-froid et attendit Ulysse de pied ferme.
    Le discours que lui adressa Ulysse ne compte pas non plus
parmi les plus brillants de sa carrière d’orateur. Il est vrai que les
circonstances ne lui étaient pas favorables : sa langue était un peu
pâteuse, sa voix rauque, son cerveau encore engourdi par le sommeil. Il ne
pouvait pas souligner ses effets oratoires, comme il avait coutume de le faire,
à l’aide de sa main droite qui tenait le ballon, sans se rendre coupable d’outrage
à la pudeur.
    Il sut pourtant trouver les mots propres à flatter Nausicaa
et à l’émouvoir. Il commença par louer la beauté de la jeune fille :
    — Es-tu une déesse ou une simple mortelle ? Si tu
es une déesse, ce ne peut être que la chaste Diane, amoureuse des forêts ;
si tu es une mortelle, heureux l’homme que tu choisiras pour mari.
    Puis, sans dire qui il était, il raconta

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