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Les Dieux S'amusent

Les Dieux S'amusent

Titel: Les Dieux S'amusent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Denis Lindon
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particulier, celle-là même qui avait déjà
eu avec Jupiter une aventure malheureuse, fut l’une de ses admiratrices les
plus éperdues. Mais Narcisse, atteint apparemment d’une incurable misogynie, ne
leur accordait pas la moindre attention.
    Un jour qu’il revenait de la chasse, il s’arrêta à une
fontaine pour se désaltérer. Comme il se penchait au-dessus de l’eau, il vit s’y
refléter son image. Il la trouva si belle, qu’il en tomba amoureux. Fasciné, il
restait là à la contempler, sans bouger, sans manger et même sans boire, car il
craignait, en trempant ses lèvres dans l’eau de la fontaine, d’en troubler un
instant la surface. Au bout de quelques jours, il mourut de faim et de soif.
     

     
    Lorsque Charon, le nocher des enfers, lui fit traverser l’Achéron,
Narcisse, penché au-dessus du fleuve noir, y contemplait encore son image.
    — Et des histoires d’amours normales, entre un homme et
une femme qui s’aiment et sont heureux, cela n’existe pas ? demanda un
jour Ulysse à Calypso,
    — Ce genre de situation n’est malheureusement pas aussi
normal que tu le penses, répondit Calypso ; mais j’en connais tout de même
un exemple, celui de Philémon et Baucis.

Philémon et Baucis
    Un soir, sur l’Olympe, Jupiter et Mercure bavardaient
ensemble après le dîner, comme ils en avaient l’habitude. Leur conversation
étant tombée, par hasard, sur un peuple montagnard appelé les Phrygiens, les
deux Olympiens se trouvèrent en complet désaccord : Jupiter prétendait que
les Phrygiens, comme d’ailleurs tous les montagnards, étaient aimables et
accueillants, Mercure affirmant au contraire qu’ils étaient égoïstes et
inhospitaliers.
    — Faisons un pari, puis allons nous rendre compte par
nous-mêmes, proposa Jupiter, qui aimait se livrer de temps à autre à ce genre d’escapades.
    Le lendemain, Jupiter et Mercure, déguisés en vagabonds, entrent
dans un village de Phrygiens, qu’ils avaient choisi au hasard, et se mettent à
frapper à la porte des fermes en demandant l’aumône. Partout, comme l’avait
prévu Mercure, on leur claque la porte au nez, et plusieurs fois même on lâche
sur eux les chiens. Jupiter pensait bien avoir perdu son pari, lorsqu’il frappa
à la dernière porte du village ; ce n’était même pas celle d’une ferme, mais
d’une misérable chaumière. Un vieil homme et une vieille femme en étaient les
occupants.
    — Nous n’avons pas d’argent, dirent-ils à leurs
visiteurs, mais nous serons heureux de partager avec vous notre repas et notre
demeure.
    Le repas qu’ils s’apprêtaient à prendre se composait
exclusivement d’un chou et d’une miche de pain ; mais, en l’honneur de
leurs hôtes, ils insistèrent pour y ajouter leur unique morceau de lard fumé
qui pendait à une poutre. Ils sortirent enfin du buffet, à cette occasion, leur
dernière cruche d’un vin d’ailleurs fort médiocre.
    Pendant le repas, les deux vieillards racontèrent leur vie à
leurs invités. Lui s’appelait Philémon et elle, Baucis. Ils étaient mariés
depuis de longues années, mais s’aimaient encore comme au premier jour. Ils
étaient très pauvres, mais leur jardin et leur basse-cour leur donnaient, disaient-ils,
largement de quoi manger. Ils s’estimaient donc très heureux. Tout en parlant, Philémon
veillait à remplir de vin les verres de ses hôtes, mais il s’abstenait, pour sa
part, de boire le sien, car il craignait que la cruche ne fût vidée avant la
fin du repas. Or, à sa grande surprise, non seulement le niveau du vin ne
baissait pas dans la cruche, mais il lui semblait monter. À la fin du repas, le
doute ne fut plus permis : la cruche était pleine, et d’un vin bien
meilleur que celui qu’elle contenait initialement. Les deux vieillards
comprirent alors que leurs hôtes n’étaient pas des vagabonds ordinaires et les
regardèrent avec crainte. Jupiter, ravi d’avoir gagné son pari, s’empressa de
les rassurer :
    — Je suis le roi des dieux, leur dit-il, et je veux
vous remercier pour votre généreuse hospitalité. Demandez-moi ce que vous
voulez, de l’or, un palais somptueux, de vastes domaines et des troupeaux
nombreux, tout vous sera accordé.
    Philémon et Baucis se consultent un instant, à voix basse. Puis
le vieil homme répond à Jupiter :
    — La seule faveur que nous souhaitons, c’est de pouvoir
vivre encore quelques années ensemble et, lorsque le moment sera venu, de
mourir tous les

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