Les Dieux S'amusent
déclenche un raz de marée
qui inonde toute la plaine autour de la ville de Troie, cependant qu’Apollon, qui
était chargé des questions de santé, provoque dans la ville une épidémie de
peste qui décime bientôt la population.
À cette époque, lorsqu’un pays était frappé par des
catastrophes naturelles de ce genre, ses dirigeants avaient coutume de
consulter un oracle, c’est-à-dire un prêtre qui était censé connaître la
volonté des dieux. C’est ce que fit Laomédon. L’oracle, consulté par lui, dévoila
le mystère :
— Les architectes que tu as bernés n’étaient autres qu’Apollon
et Neptune, et ce sont eux qui se vengent aujourd’hui en nous envoyant l’inondation
et la peste. Leur colère ne s’apaisera que si tu leur sacrifies l’un de tes
enfants en l’attachant sur un rocher où un monstre marin viendra le prendre
pour le dévorer.
Laomédon n’avait que deux enfants : un fils nommé Priam
et une fille nommée Hésione. Après une longue et cruelle hésitation, estimant
que son fils devait être sauvé à tout prix pour pouvoir lui succéder un jour
sur le trône, il décida de sacrifier Hésione.
Il la fit donc attacher sur le rocher, comme l’exigeaient
les dieux. Mais, lorsque sortit des flots le hideux monstre marin envoyé par
Neptune, Laomédon ne put supporter l’idée de perdre sa fille. Il élève vers l’Olympe
une ardente prière :
— À celui qui sauvera ma fille, je ferai cadeau de mes
deux plus beaux chevaux, que je tiens de Jupiter lui-même.
Hercule, qui s’ennuyait sur l’Olympe depuis qu’il était
devenu immortel et qui en outre avait la passion des chevaux, est enchanté de
cette occasion de montrer qu’il n’a pas perdu la main. Il apparaît tout à coup
devant le monstre et l’étrangle de ses mains nues. Puis il va réclamer à
Laomédon la récompense promise. Mais Laomédon était d’une incorrigible mauvaise
foi.
— J’ai bien promis, déclare-t-il à Hercule, que je
ferais cadeau de mes deux plus beaux chevaux, mais cet engagement ne concernait
que leur nue-propriété, et non leur usufruit que je me réserve jusqu’à ma mort.
— Tu n’en jouiras pas longtemps, lui répond Hercule
avec une présence d’esprit qui ne lui était pas habituelle ; et, d’un coup
de poing, il tue Laomédon.
Puis il s’empare d’Hésione, lui fait traverser la mer Égée
et en fait cadeau à l’un de ses amis, Télamon, roi de Salamine, qui l’épousera
bientôt après.
En voyant partir sa sœur, pour qui il avait beaucoup d’affection,
Priam, bouleversé, avait fait le serment de ne jamais l’oublier et de la faire
revenir un jour dans son pays et dans sa famille.
Il n’imaginait pas ce que ce serment allait coûter à son
peuple, en sang, en sueur et en larmes.
17. Naissance et enfance de Pâris
Priam, qui avait
succédé à Laomédon sur le trône de Troie, était bien différent de son
père : il était bon, juste et surtout fidèle à sa parole. Peu après être
devenu roi, il épousa une jeune fille nommée Hécube, qui devait se révéler une
excellente épouse, une excellente mère et, qui plus est, une excellente
cuisinière.
Quelques années plus tard, ils avaient cinquante enfants. Certains
d’entre eux avaient été mis au monde par Hécube elle-même, d’autres par
diverses dames de compagnie ou servantes du palais avec qui Priam avait eu des
liaisons. Hécube, dotée d’un instinct maternel insatiable, élevait tous ces
enfants comme s’ils eussent été les siens propres. Je ne vous les citerai pas
tous, mais trois d’entre eux, qui joueront un rôle important dans cette
histoire, méritent d’être mentionnés dès maintenant. Le fils aîné, prénommé
Hector, pesaitprès de six kilos lorsqu’il vint au monde et devait
devenir plus tard un véritable colosse. Quelques jours après sa naissance, conformément
à une coutume de l’époque, ses parents allèrent consulter un oracle sur l’avenir
de leur fils. L’oracle déclara, dans le langage un peu mystérieux qu’affectionnait
sa confrérie, qu’Hector « serait la gloire de son pays et qu’il ne serait
jamais vaincu, tant que le Xanthe ne sortirait pas de son lit ». Le Xanthe
était un fleuve qui coulait dans la plaine, entre Troie et la mer Égée. Étant
donné que, de mémoire d’homme, on n’avait jamais vu déborder ce fleuve, Priam
et Hécube conclurent, des déclarations de l’oracle, que l’avenir d’Hector
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