Les Dieux S'amusent
se
présentait sous les meilleurs auspices.
Le deuxième enfant de Priam et d’Hécube fut une fille, qu’ils
appelèrent Cassandre. Consulté à son sujet, l’oracle tint des propos un peu
moins encourageants que pour Hector :
— Comme moi, dit-il, Cassandre lira l’avenir ; mais,
contrairement à moi, elle ne sera pas écoutée.
Priam, qui, depuis la naissance de Cassandre, était exaspéré
par les hurlements stridents et ininterrompus du bébé, décida d’apporter une
confirmation immédiate à la deuxième partie de la prophétie de l’oracle : pour
ne plus entendre Cassandre, il ordonna à sa nourrice de la garder désormais
dans une aile reculée du palais.,
Un an après la naissance de Cassandre, Hécube donnait le
jour à un troisième enfant, un garçon qui fut prénommé Pâris. La veille de son
accouchement, Hécube avait eu un songe bizarre : elle avait rêvé qu’elle
enfantait un flambeau allumé, entouré de vingt bougies ; les vingt bougies
s’éteignaient une à une et, après l’extinction de la dernière, le flambeau se
mettait en mouvement pour allumer, dans le palais royal et dans la ville, un
incendie dévorant. Elle relata ce songe à l’oracle, qui l’interpréta ainsi :
— Le flambeau représente Pâris et les bougies sont des
années ; lorsque vingt ans se seront écoulés, à compter de sa naissance, Pâris
entreprendra un voyage qui entraînera la ruine et la destruction de Troie.
De retour au palais, Priam dit à Hécube :
— Nous ne pouvons pas prendre le risque de laisser
vivre cet enfant, qui doit nous attirer tant de malheurs. Il faut le tuer des
aujourd’hui.
Hécube refusa d’abord puis finit par se rendre aux arguments
de son mari.
— Mais, dit-elle, je ne supporterai pas de le voir
mourir. Faisons-le déposer à quelque distance de la ville, sur le mont Ida, où
il sera, hélas ! bientôt dévoré par les bêtes féroces.
Si Priam, comme vous, avait connu l’histoire d’Œdipe, il se
serait sans doute méfié de ce plan. Mais il ne la connaissait apparemment pas. C’est
pourquoi, le lendemain à l’aube, Priam chargeait l’un de ses gardes de cette
triste mission, cependant qu’Hécube, en souvenir de l’enfant qu’elle pensait ne
plus jamais revoir, plantait dans la cour du palais un olivier.
— En le voyant grandir, dit-elle à Priam, je penserai à
cet enfant né en même temps que lui et que le Destin nous arrache.
Mais le Destin avait d’autres projets : le même jour, vers
midi, un berger qui gardait son troupeau sur le mont Ida entendit les
vagissements de Pâris et découvrit l’enfant au pied d’un arbre. Ému par sa
beauté, il lui fit boire du lait de ses brebis et le ramena chez lui le soir
même. Sa femme, qui n’avait pas d’enfant, décida de l’adopter et de l’élever
comme s’il eût été son propre fils.
C’est ainsi que Pâris, ignorant sa véritable origine et se
croyant le fils d’un humble ménage de paysans, fut élevé dans un village, à
quelques dizaines de kilomètres de Troie. Il devint un enfant d’une
extraordinaire beauté et d’une remarquable adresse. Pour passer le temps, pendant
les longues heures où il gardait le troupeau de son père, il s’entraînait au
tir à l’arc. Au début, il prenait pour cible une citrouille, qu’il plaçait à
cinquante mètres ; puis, lorsqu’il fut capable de percer la citrouille à
chaque coup, il la remplaça par une pomme ; comme c’était trop facile pour
lui, il finit par se servir de cerises en mettant un point d’honneur à
transpercer de sa flèche non pas la chair, mais le noyau du fruit. Ses exploits
d’archer mis à part, il menait une vie simple et tranquille en compagnie d’une
nymphe, nommée Œnone, qui s’était éprise de lui et qui était renommée dans
toute la région pour son art de guérir les blessures.
18. Le jugement de Pâris
Dix-neuf ans
s’étaient écoulés depuis que Pâris avait été abandonné par ses parents
sur le mont Ida. Rien d’important ne se passait sur la terre et, sur l’Olympe, les
dieux s’ennuyaient. Pour les distraire, Jupiter eut l’idée d’organiser un grand
banquet à l’occasion du mariage d’une déesse de deuxième catégorie, Thétis, avec
un mortel nommé Pelée, souverain d’un peuple qu’on appelait les Myrmidons.
Jupiter invita tous les dieux et toutes les déesses à la
noce, à l’exception d’une seule, nommée Discorde, qui était connue pour sa
mauvaise
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