Les Dieux S'amusent
car elle est nue comme au jour de sa naissance, ou plutôt ne porte en
tout et pour tout, comme ce jour-là, que sa ceinture magique. Contrairement aux
deux autres déesses, dont le visage est impassible et l’expression altière, Vénus
est toute souriante.
— Si tu me donnes la pomme d’or, dit-elle à Pâris, je
te ferai cadeau de cette ceinture magique qui confère à celui qui la porte un
pouvoir irrésistible de séduction ; elle te procurera, pendant toute ta
vie, les plaisirs de l’amour.
Pâris n’avait pas besoin d’une ceinture magique pour plaire
aux femmes. Sa jeunesse et sa beauté lui suffisaient pour l’instant. Et il se
doutait que plus tard, s’il devait être un jour vieux et laid, la gloire
promise par Minerve ou la richesse garantie par Junon le rendrait au moins
aussi séduisant aux yeux des femmes que la ceinture de Vénus. Ce n’est donc pas
le cadeau offert par Vénus qui le décida, mais tout simplement la beauté, le
parfum et le sourire de la déesse. Sans hésiter, il lui tend la pomme d’or. Triomphante,
Vénus lui remet sa ceinture et court annoncer sa victoire aux dieux de l’Olympe.
Junon et Minerve, en revanche, sont ulcérées et méditent
déjà leur vengeance. Elles demandent à Mercure, qui les avait accompagnées, de
mener une rapide enquête au sujet du berger qui vient de les humilier.
Mercure découvre bientôt l’origine réelle de Pâris et en
informe les deux déesses :
— Ce berger, leur dit-il, n’est pas un vrai berger ;
c’est le fils de Priam et d’Hécube ; il a été abandonné par eux, il y a dix-neuf
ans, sur le mont Ida, parce qu’un oracle avait prédit que, s’il vivait jusqu’à
l’âge de vingt ans, il attirerait sur son peuple, sur sa famille et sur
lui-même d’effroyables malheurs.
Minerve conçoit aussitôt un projet diabolique, dont elle
fait part à Junon :
— Révélons à Pâris le secret de sa naissance et
engageons-le à retourner chez ses vrais parents, à Troie. Ainsi pourra se
réaliser la prophétie de l’oracle, et nous serons vengées.
— Ce n’est pas une mauvaise idée, répond Junon. Mais, si
Pâris se présente devant ses parents en disant qui il est, ne crains-tu pas que
ceux-ci, sachant que dix-neuf années seulement ont passé depuis sa naissance, ne
décident une seconde fois de le tuer, et cette fois pour de bon, avant qu’il n’ait
atteint l’âge fatal de vingt ans ?
— Tu as raison, reconnaît Minerve. Aussi faut-il faire
croire aux parents de Pâris que ce sont vingt années et non dix-neuf, qui se
sont écoulées, et que par conséquent tout danger est désormais écarté. Mais ne
te fais pas de souci, je me charge de les tromper.
Il faut vous dire qu’en ce temps-là les gens ne tenaient pas
un compte très précis des années. Il n’existait pas de calendrier permettant de
savoir exactement en quel mois et en quelle année on était. Pour mesurer
approximativement le passage du temps, on se servait de certains phénomènes
naturels, tels que les changements de lune, le retour des saisons ou encore la
croissance des arbres. En particulier tout le monde savait, à l’époque, qu’un
olivier, à partir du moment où il était planté, mettait exactement vingt ans à
produire ses premiers fruits. Or vous vous souvenez peut-être que, le jour même
de la naissance de Pâris, Hécube avait planté, en souvenir de lui, un olivier. Et
vous vous souvenez peut-être aussi que c’est Minerve qui avait créé les
oliviers, pour en faire don aux Athéniens. C’est vous dire que ces arbres n’avaient
pas de secrets pour elle, et qu’ils ne pouvaient rien lui refuser. Pour faire
croire aux parents de Pâris qu’un délai de vingt ans s’était écoulé depuis la
naissance de Pâris, il suffisait donc à Minerve d’ordonner à l’olivier d’Hécube
de produire des olives avec un an d’avance. C’est ce qu’elle fit.
— Tiens ! dit Hécube à Priam sur un ton
mélancolique en voyant les branches de l’olivier se couvrir de fruits, voici
vingt ans que Pâris est mort. Et la prophétie de l’oracle ne s’est pas réalisée.
Nous pouvons désormais dormir tranquilles. Mais, hélas ! nous ne reverrons
jamais plus notre enfant.
Au même moment, sur le mont Ida, Minerve et Junon prenaient Pâris
à part :
— Nous avons de grandes nouvelles à t’annoncer, lui
disaient-elles :
— 1 0 Nous ne sommes pas de simples mortelles,
comme tu te l’imaginais, mais des
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