Les Dieux S'amusent
attentifs. Depuis un mois, deux
camps opposés s’étaient formés parmi eux.
Le premier, favorable à la cause des Grecs, était dirigé par
Junon, qui gardait rancune à Pâris depuis l’affaire de la pomme d’or, et par
Minerve, qui avait la même raison d’en vouloir aux Troyens et qui, en outre, avait
une prédilection pour les Grecs en général, depuis le concours de la fondation
d’Athènes, et pour Ulysse en particulier, dont elle appréciait l’intelligence.
Le deuxième clan, que ses adversaires appelaient le « Lobby
troyen », était animé par Vénus, qui n’avait pas oublié le jugement de
Pâris. Elle avait réussi à gagner à sa cause ses deux anciens amants, Apollon
et Mars.
Quant à Jupiter, soumis aux pressions contradictoires de sa
femme et de ses enfants, il s’efforçait, non sans mal, de conserver une stricte
neutralité.
Le soir qui suivit le débarquement des Grecs à Troie, lorsque
Jupiter entra pour dîner dans la grande salle à manger de l’Olympe, un
effroyable tumulte l’accueillit : des assiettes volaient par-dessus la
table, et les dieux, non contents d’échanger des insultes, se battaient comme
des chiffonniers.,
« Ça y est, pensa Jupiter, on en a encore parlé. »
Tapant du poing sur la table, il rétablit le silence et déclara aux dieux que
la guerre de Troie était une affaire purement humaine à laquelle il leur interdisait
formellement de se mêler.
22. La drôle de guerre
P endant les neuf
premières années du siège de Troie, aucun événement militaire décisif ne
se produisit. À l’abri de leurs remparts, les Troyens narguaient les Grecs. De
temps à autre, Hector faisait une sortie à la tête de ses troupes. Des combats
se déroulaient dans la plaine, causant des morts dans les deux camps. On
proclamait alors une trêve de quelques jours, pour pouvoir ramasser les
cadavres et les brûler sur des bûchers, en leur rendant les honneurs funèbres. Car
les Grecs et les Troyens croyaient encore que l’âme des guerriers défunts ne
pouvait rejoindre les enfers que si leur corps avait été brûlé au cours d’une
cérémonie religieuse.
À l’occasion de ces trêves, des concours sportifs étaient
organisés, dans lesquels se mesuraient pacifiquement les champions des deux
camps, en attendant de s’entre-tuer à nouveau quelques jours plus tard.
Les concours sportifs
Le premier concours était une course de vitesse. Dans cette
épreuve, Achille était tellement supérieur à tous les autres concurrents, grecs
ou troyens, qu’on dut modifier les règlements pour tenter d’égaliser les
chances : tout d’abord, on imposa à Achille de courir revêtu de sa
cuirasse et de son casque, cependant que les autres concurrents étaient presque
nus. Mais, même avec ce handicap, Achille les dominait encore trop largement. On
finit donc par autoriser tous les coureurs, sauf Achille, à faire la course à
cheval. Il arriva alors parfois, mais rarement, que l’un des cavaliers devançât
Achille sur la ligne d’arrivée. Dans ces cas, l’ignoble Thersyte, qui
nourrissait à l’égard d’Achille une jalousie tenace, couvrait celui-ci de
sarcasmes et d’insultes. Achille, qui, comme tous les Grecs, considérait
Thersyte comme un grossier personnage et un affreux roquet, ne répondait que
par le mépris.
Le second concours, de force pure, comportait d’une part une
épreuve de lancer du poids, d’autre part une épreuve d’haltères. Hector et Ajax,
les deux colosses troyen et grec, en étaient toujours les finalistes, Hector
gagnant généralement au lancer du poids et Ajax aux haltères.
La troisième épreuve principale était le tir à l’arc sur des
cibles fixes ou sur des pigeons. En l’absence de Philoctète, abandonné sur son
île, c’était généralement Pâris qui l’emportait, mais il était serré de près
par deux autres archers émérites : l’un, troyen comme Pâris, s’appelait
Pandarus et l’autre, un roi grec, frère d’Ajax, s’appelait Teucer. L’un de ces
concours de tir à l’arc fut particulièrement spectaculaire. La cible était une
colombe, attachée par une cordelette au sommet d’un mât de douze mètres autour
duquel elle voltigeait sans pouvoir s’enfuir. Le premier concurrent était le
Troyen Pandarus. Il vise longuement et laisse partir sa flèche, qui manque la
cible et vient se ficher, toute vibrante, dans la pointe du mât. Le second
concurrent, le Grec Teucer, fait mieux que Pandarus : sa
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