Les Dieux S'amusent
bientôt comprendre
les raisons secrètes de son héroïsme.
En arrivant aux enfers, l’âme de Protésilas est accueillie
par Pluton lui-même, qui était déjà au courant des circonstances de sa mort.
— En témoignage de mon admiration, et à titre tout à
fait exceptionnel, lui déclare Pluton, j’ai décidé de te rendre la vie. Tu peux
retourner chez ta femme.
Protésilas remercie poliment Pluton et prend congé de lui.
Le lendemain, à la même heure, il revenait frapper à la
porte des enfers.
— Que veux-tu ? lui demande Pluton, un peu surpris.
— Après une deuxième journée avec ma femme, lui répond
Protésilas, ma résolution, cette fois, est définitive : je préfère les
enfers.
Achille et Cycnos
À peine Protésilas avait-il été tué que les Grecs, libérés
de leur complexé, débarquaient en masse sur le rivage. Parmi eux, le plus
impatient d’en découdre était le divin Achille ; il rêvait de se couvrir
de gloire, dès le premier jour de la guerre, aux dépens d’un chef troyen de
haut rang. Négligeant le menu fretin qui s’offrait à ses coups, il se met donc
à la recherche du commandant du détachement troyen qui était de garde, ce
jour-là, sur la plage. Il ne tarde pas à le trouver.
C’était un prince nommé Cycnos, fils naturel de Neptune, allié
des Troyens mais non troyen lui-même. En tombant sur lui, Achille n’avait pas
de chance, car Cycnos était sans doute, de tous les guerriers de l’armée troyenne,
le plus difficile à vaincre. Lorsqu’il était né, son père Neptune lui avait
fait subir le même traitement que Thétis à Achille : il avait trempé
Cycnos dans les eaux du Styx et avait ainsi rendu sa peau impossible à
transpercer. Et même, contrairement à Thétis, Neptune avait fait en sorte qu’aucune
partie du corps de Cycnos, même pas un talon, ne fut privée de ce blindage
naturel.
Dès qu’il aperçoit Cycnos, que son panache et ses armes
somptueuses désignent clairement comme un guerrier de haut rang, Achille l’interpelle
et le défie :
— Je suis, lui dit-il, le divin Achille ; viens m’affronter,
si tu en as le courage.
À la surprise d’Achille, son adversaire ne paraît nullement
impressionné et s’avance vers lui, disposé au combat. De son bras puissant, Achille
lance son premier javelot, qui va frapper la poitrine de Cycnos mais ne lui
fait apparemment aucun mal.
« Tiens, songe Achille, mon javelot devait avoir perdu
sa pointe, ou celle-ci était peut-être émoussée. »
Il prend un deuxième javelot, en vérifie soigneusement la
pointe de bronze, et le projette vers Cycnos avec plus de force encore que le
premier. Le javelot traverse le bouclier de Cycnos et sa cuirasse, mais n’égratigne
même pas sa peau. Cette fois, Achille s’inquiète : « Aurais-je perdu la
main ? » se demande-t-il. Pour le savoir, il lance son troisième
javelot non pas sur Cycnos, mais sur un malheureux guerrier troyen qui
assistait tranquillement au combat. Non seulement le javelot d’Achille
transperce le Troyen de part en part, mais il continue ensuite sa course et va
frapper dans le dos un deuxième soldat troyen, qui s’écroule aussi.
Rassuré sur sa forme physique, Achille va ramasser ce
troisième javelot et le lance sur Cycnos qui, depuis le début du combat, se
contentait de regarder son adversaire en ricanant et qui, cette fois, ne prend
même pas la peine de se protéger de son bouclier. Le javelot d’Achille atteint
l’épaule de Cycnos et rebondit sur elle comme sur un mur de pierre. Achille
croit cependant voir une tache de sang sur l’épaule de Cycnos et commence à s’en
réjouir ; mais il s’aperçoit bientôt qu’il s’agit seulement du sang laissé
sur la pointe du javelot par les deux soldats troyens qu’il vient de tuer.
Cette fois, Achille comprend que ses armes habituelles ne
lui serviront à rien contre cet adversaire singulier. Il se rue alors sur
Cycnos, lui frappe la tête à coups de poing pour l’étourdir, le jette à plat
ventre sur le sol, s’assied sur son dos et l’étrangle avec la jugulaire de son
propre casque.
Nestor, qui assistait au combat, remarque sentencieusement :
— La mort de Cycnos prouve qu’aucun homme n’est tout à
fait invulnérable.
Achille, triomphant, se relève sans prêter attention à cette
observation prophétique.
Hector
Au moment où l’armée grecque avait débarqué, un épais
brouillard matinal couvrait encore la plage.
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