Les Dieux S'amusent
si hideux que quiconque le
regardait était instantanément transformé en pierre. Des trois Gorgones, deux
étaient immortelles ; la troisième, la Méduse, ne l’était théoriquement
pas, mais ses écailles et surtout son pouvoir pétrifiant la rendaient, elle
aussi, pratiquement invulnérable.
Dégrisé, Persée se rendit compte qu’il s’était avancé d’une
manière bien imprudente : non seulement il ignorait où se trouvait la
Méduse, mais surtout il n’avait pas la moindre idée de la manière dont il
pourrait s’en approcher impunément pour la tuer. Heureusement pour Persée, son
père Jupiter, le voyant dans l’embarras, résolut de l’aider. Il convoqua
Mercure, son fils et messager attitré, et le pria d’aller trouver Persée sous
un déguisement quelconque, pour lui donner quelques conseils.
Alors que Persée, le front plissé et l’âme abattue, errait
dans la campagne sans but précis, il voit apparaître devant lui Mercure, qui a
pris l’apparence d’un jeune berger.
— Tu m’as l’air soucieux, lui dit celui-ci ; puis-je
faire quelque chose pour toi ?
— J’en doute, répond Persée ; je suis à la
recherche des Gorgones, et personne ne semble savoir où elles demeurent.
— Je l’ignore aussi, répond le pseudo-berger, mais je
sais qui pourrait te renseigner : il y a, très loin d’ici, vers le nord, une
contrée où tout est gris. Dans ce pays vivent trois sœurs qu’on appelle les
Grées. Elles n’ont qu’un œil pour elles trois, et s’en servent à tour de rôle. Ce
sont les seules personnes au monde qui puissent se flatter d’être aussi
hideuses que les Gorgones. Elles organisent d’ailleurs chaque année un concours
de laideur qui se tient alternativement chez les unes et chez les autres. Elles
pourraient donc te dire où habitent leurs rivales.
Mais elles n’accepteront de parler que si tu les y forces, en
t’emparant de leur œil unique. Si tu le désires, je peux te conduire chez les
Grées.
Après un long voyage, émaillé de multiples incidents, Mercure
et Persée arrivent chez les Grées.
— À toi de jouer, dit alors Mercure à Persée, et il
disparaît subitement.
Dans un paysage gris, sous un ciel gris, les trois sœurs, vêtues
de gris, étaient accroupies et parlaient à voix basse ; même leurs paroles
semblaient grises. À intervalles réguliers, l’une d’elles retirait de son front
l’unique œil gris qui s’y trouvait et le passait à sa voisine. Caché derrière
un arbre, Persée observe quelque temps leur manège. Tout à coup, au moment où l’une
d’elles venait de retirer son œil et le tendait à sa sœur, Persée bondit et lui
arrache l’œil de la main.
— Je ne vous le rendrai, déclare-t-il, que si vous me
dites où je peux trouver les Gorgones.
Les Grées sont bien forcées de lui fournir le renseignement
qu’il exige. Mais, avant de leur rendre leur œil, il leur demande encore :
— Comment pourrai-je distinguer la Méduse de ses deux
sœurs ?
— Rien de plus simple, lui répond une Grée. Les
serpents qui forment la chevelure de la Méduse sont des vipères, alors que ceux
de ses sœurs sont des couleuvres ; comme tu le sais sans, doute, les
vipères ont une tête triangulaire et les couleuvres une tête ovale.
— Mais, reprend Persée, comment pourrai-je me livrer à
un examen approfondi de leur chevelure, si un seul regard jeté sur les Gorgones
suffit à pétrifier un homme ?
— Cela, c’est ton affaire, répondent les Grées.
Persée se met en route, dans un état de profonde perplexité.
Une nouvelle fois, c’est Jupiter qui vient à son aide. Il convoque sa fille
Minerve et lui demande d’imaginer un plan pour Persée. Minerve réfléchit un
instant et trouve une idée. Pour La réaliser, il lui faut certains accessoires,
quelle se procure auprès de divers dieux de l’Olympe. Quelques instants plus
tard, elle apparaît devant Persée, alors qu’il approche du repaire des Gorgones.
Elle n’a pas pris la peine de se déguiser :
— Je suis Minerve, lui dit-elle, et je suis venue te
donner les moyens de triompher de la Méduse. Voici les petites ailes de Mercure,
qu’il a bien voulu me prêter ; elles te permettront de voler. Voici le
casque de Pluton, qui te rendra invisible. Voici l’épée de Mars, qui est
capable de percer les écailles les plus épaisses. Voici un sac à main de Junon ;
il a la particularité de prendre de lui-même les dimensions des objets
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