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Les Dieux S'amusent

Les Dieux S'amusent

Titel: Les Dieux S'amusent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Denis Lindon
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déguisé en femme,
tu te cachais parmi les jeunes filles du pensionnat, lui lance-t-il.
    Achille le foudroie du regard, et Thersyte se tait.
    Une fois de plus, le sort de l’expédition est en suspens. Alors,
dans le silence absolu qui s’est abattu sur le camp, la douce voix d’Iphigénie
s’élève :
    — Achille, dit-elle, tu es le plus noble, le plus
vaillant et le plus généreux des Grecs ; c’est avec joie que je serais
devenue ta femme. Mais, si l’honneur et la gloire de la Grèce exigent ma mort, je
suis prête à me sacrifier.
    Et, d’un pas ferme, elle monte sur le bûcher où le
sacrificateur l’attend.
    Cependant, au moment où celui-ci levait sur elle son couteau,
un miracle, paraît-il, se produisit : émue par le courage de la jeune
fille, Diane, qui avait observé toute la scène, fit disparaître Iphigénie dans
un nuage et la remplaça par une biche, qui fut égorgée à sa place.
    Aussitôt, les vents se levèrent et la flotte grecque put
appareiller. Quelques jours plus tard, elle était en vue des côtes de Troie.

L’abandon de Philoctète
    Un dernier incident allait cependant retarder encore de
quelques jours le débarquement de l’armée grecque. Jugeant qu’il était prudent
de faire provision d’eau et de vivres, Agamemnon décida en effet de faire
escale sur l’île de Lemnos, qui fait face aux rivages de Troie.
    Or à peine les Grecs avaient-ils mis le pied sur cette île
qu’un prince, nommé Philoctète, fut mordu au pied par une vipère.
    Comme vous le savez, ce prince avait été, dans sa jeunesse, l’ami
intime d’Hercule ; au moment de mourir, Hercule lui avait légué son arc et
ses flèches. L’arc d’Hercule, dont Philoctète était seul à savoir se servir, était
d’une puissance et d’une précision exceptionnelles ; on comptait beaucoup
sur lui, dans l’armée grecque, pour infliger des pertes aux Troyens.
    Dans les premiers moments qui suivirent l’accident survenu à
Philoctète, les rois grecs qui l’entouraient firent preuve d’un bel esprit de
camaraderie, s’empressèrent de le soigner et lui prodiguèrent leurs
encouragements :
    — Ne te fais pas de soucis, nous allons te tirer d’affaire ;
dans deux jours, il n’y paraîtra plus.
    Deux jours plus tard, non seulement il y paraissait encore
mais la blessure s’était infectée, la gangrène s’y était mise, un pus
nauséabond en coulait et Philoctète, dévoré de fièvre, poussait des cris
déchirants. Chez ses compagnons, de plus en plus indisposés par son odeur et
par ses cris, la compassion initiale ne tarda pas à se transformer en
impatience, puis en irritation, enfin en dégoût. Une nouvelle fois, Ulysse
donna la preuve de sa dureté de cœur en suggérant à Agamemnon de profiter de la
nuit pour réembarquer furtivement avec toute l’armée en abandonnant Philoctète
à son triste sort. Ménélas tenta bien d’intercéder en sa faveur en faisant
valoir que Philoctète risquait de mourir de faim, mais Ulysse lui répondit qu’avec
son arc et ses flèches l’héritier d’Hercule pourrait facilement se procurer du
gibier. C’est donc sans Philoctète que l’armée grecque se réembarqua et que, quelques
heures plus tard, elle aborda aux rivages de Troie.

Protésilas
    Depuis le début du voyage, chacun dans l’armée se demandait
avec une vive curiosité et une certaine angoisse quel serait le premier Grec à
débarquer des navires. Le devin Calchas avait en effet prédit que le premier
qui poserait le pied sur le rivage serait aussi le premier à mourir. Lorsque
les navires s’échouèrent sur le sable, il n’y eut aucune bousculade pour en
descendre : chacun paraissait s’affairer lentement à chercher un casque
égaré, à resserrer une courroie de sa cuirasse ou à rajuster ses jambières. Enfin,
un homme sauta à terre. Il s’appelait Protésilas et s’était marié la veille
seulement du départ de l’armée pour Troie. À peine avait-il touché le sol qu’une
flèche, tirée par une sentinelle troyenne, lui transperçait la gorge. Quelques
instants plus tard, il était mort.
    Les Grecs furent vivement impressionnés par l’abnégation de
Protésilas qui, en pleine connaissance de cause, avait fait le sacrifice de sa
vie et quitté pour toujours sa jeune épouse. Après avoir débarqué à leur tour et
tiré leurs navires sur le sable, en les calant à l’aide de grosses pierres, ils
firent à Protésilas de grandioses funérailles. Ils allaient

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