Les Dieux S'amusent
du cheval, à l’intérieur
duquel se font entendre alors une rumeur bizarre et un cliquetis métallique. À
ce moment, un Grec, qui était resté seul sur la plage, dissimulé derrière un
rocher, sort de sa cachette et s’avance vers les Troyens. Il a les mains liées
derrière le dos. C’est Ulysse qui, la veille, lui a dit ce qu’il devait faire. Aux
Troyens qui l’entourent et l’interrogent, il déclare :
— Je m’appelle Sinon et j’étais un grand ami de
Palamède, qu’Ulysse, vous le savez, a fait condamner à mort. Ulysse voulait
aussi me tuer et m’avait fait ligoter et jeter en prison. Mais j’ai pu m’échapper
au moment où l’armée grecque se réembarquait et j’ai pu rester sur vos rivages.
Si vous le désirez, je puis vous dire pourquoi les Grecs sont partis en
laissant ce cheval.
Les Troyens, dévorés de curiosité, le pressent de s’expliquer
et Sinon poursuit :
— Voyant qu’ils ne pouvaient pas remporter la victoire,
les Grecs ont consulté leur devin Calchas. Celui-ci leur a dit que Minerve
était irritée contre eux à cause du vol du Palladion. Calchas a ajouté que, pour
apaiser la déesse, il fallait que l’armée grecque retournât dans son pays pour
y chercher la statue et la rapporter. Enfin, toujours selon Calchas, une autre
statue, représentant un cheval, devait être offerte à Minerve et être placée
dans la plaine jusqu’au retour des Grecs. Mais si, par malheur, ce cheval
tombait entre les mains des Troyens et était transporté par eux dans leur ville,
celle-ci deviendrait à tout jamais imprenable. C’est pourquoi, conclut Sinon, si
j’ai un conseil à vous donner, c’est de profiter de l’absence des Grecs pour
transporter le cheval à l’intérieur de vos remparts.
Laocoon, le prêtre troyen, s’oppose avec véhémence à cette
suggestion. Mais les déesses protectrices des Grecs, Junon et Minerve, qui observent
la scène du haut de l’Olympe, interviennent alors : elles font sortir de
la mer un serpent monstrueux, qui s’empare de Laocoon et l’étouffé de ses
anneaux puissants.
Impressionnés par ce prodige, les Troyens y voient le
châtiment de l’incrédulité de Laocoon et la confirmation des explications de
Sinon. À l’aide de cordes solides, ils attellent douze bœufs au cheval de bois
et entreprennent de le faire passer par la plus grande porte de la ville. Quatre
fois, au moment où l’attelage s’ébranle, le bruit des casques et des boucliers
qui s’entrechoquent se fait entendre à l’intérieur de l’animal. À chaque fois, Cassandre
annonce à grands cris que le cheval va porter dans la ville la mort et l’incendie.
Mais, comme d’habitude, personne ne l’écoute. Enfin, à la tombée du jour, le
cheval est installé au centre de Troie, devant le temple de Minerve. Une foule
de Troyens se presse autour de lui. À l’intérieur, Ulysse veille à ce que les
soldats grecs ne révèlent pas leur présence. L’un d’entre eux, enrhumé, s’apprête
à éternuer ; Ulysse parvient à l’en empêcher en lui pinçant le nez. Un
autre, s’assoupissant, laisse tomber son épée, qu’Ulysse rattrape au dernier
moment. Un troisième est saisi d’une violente colique et demande à sortir d’urgence ;
Ulysse ne peut l’en dissuader qu’en lui tendant son propre casque pour y
satisfaire son besoin pressant.
Enfin, la foule se disperse. Une ombre, cependant, continue
de rôder autour du cheval. C’est la belle Hélène, qui flaire une ruse. Secrètement,
elle la souhaite, car elle est fatiguée de la guerre, de son nouveau mari
Déiphobe, de l’exil. Elle regrette Ménélas et son pays. S’approchant du cheval,
elle murmure :
— Ménélas, es-tu là ? C’est moi, Hélène, ta femme.
Je t’aime toujours et je voudrais bien retourner à la maison.
Bouleversé, Ménélas ne peut se contenir ; il répond à
Hélène et se fait reconnaître. Ulysse, à son tour, s’adresse alors à elle :
— Ne nous trahis pas, lui dit-il. Retourne à ton palais
et allume un feu sur la plus haute tour, pour indiquer à Agamemnon qu’il peut
revenir avec la flotte grecque. Puis, pendant que Déiphobe et les gardes du
palais seront endormis, décroche leurs armes des râteliers et cache-les quelque
part.
Hélène s’empresse d’obéir aux ordres d’Ulysse.
Quelques heures plus tard, tous les Troyens sont endormis et
la plupart ivres, pour avoir célébré d’une manière immodérée la fin de la
guerre. Au pied
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