Les Dieux S'amusent
des remparts, l’armée grecque tout entière, revenue de l’île de
Ténédos, est massée en silence.
Sinon, le faux traître grec, s’approche alors du cheval et
en ouvre la porte secrète. Ulysse et ses compagnons en descendent sans bruit et
vont ouvrir à leurs amis les portes des remparts, laissées sans surveillance. Les
Grecs entrent dans la ville, se répandent dans les rues, égorgent les soldats
troyens, pillent et incendient les temples. Bientôt, la ville n’est plus qu’un
immense brasier, où les hurlements de terreur sont couverts par le crépitement
des flammes.
Les principaux chefs grecs sont montés au palais royal. Ses
habitants et ses gardes cherchent en vain leurs armes qu’Hélène a cachées.
Parmi les assaillants, le plus sanguinaire est Pyrrhus, le
fils d’Achille. Sans pitié, il tue Déiphobe au pied de son lit et Priam au pied
de son trône ; il s’empare aussi du petit Astyanax, le fils d’Hector ;
encouragé par Ulysse, il le précipite du haut d’une tour. Il fait prisonnière
Andromaque, dont il fera sa compagne, et Hécube, dont il fera sa cuisinière. Agamemnon
trouvant Cassandre à son goût, se l’approprie. Alors qu’il l’emmène, éplorée, avec
lui, il lui demande par curiosité :
— Comment fais-tu pour prédire aussi sûrement l’avenir ?
— Je prévois toujours le pire, lui répond-elle, et de
cette manière je suis sûre, hélas ! de ne pas me tromper.
Ulysse et Diomède prennent aussi leur part du butin dans le
palais livré au pillage. Ménélas, pour sa part, ne songe ni au pillage ni à la
vengeance. Il ne songe qu’à Hélène. Il finit par la trouver, dans une pièce
reculée du palais. Elle l’attend debout, le regarde avec une expression à la
fois craintive et tendre.
Ils se font face quelques instants en silence. Ménélas lui
dit enfin :
— Ta petite colombe blanche, que tu as laissée chez
nous, s’ennuie de toi.
— Et moi, répond Hélène, je m’ennuie d’elle.
Ménélas la prend dans ses bras ; Hélène comprend qu’elle
est pardonnée.
Le lendemain, Troie n’est plus qu’un amas de ruines fumantes.
Les hommes ont presque tous été massacrés, les femmes et les enfants sont
captifs. Les rois grecs chargent le butin sur leurs navires ; l’un après l’autre,
ils hissent leurs voiles. Le plus impatient d’entre eux est Ulysse, pressé de
retrouver son vieux père Laërte, sa femme Pénélope, son fils Télémaque. Il ne
se doute pas, l’infortuné, qu’il lui faudra dix ans d’épreuves pour retourner
chez lui.
Quatrième
partie
Le retour des rois
Ulysse et les sirènes.
Détail. Art romain. Mosaïque provenant de Dougga. Tunis, Musée du Bardo.
31. Les premiers retours : Nestor, Diomèdeet Teucer
Bien que les rivages
de Troie ne fussent séparés de ceux de la Grèce que par la mer Égée, large
d’environ quatre cents kilomètres, la traversée n’était pas, à cette époque, une
petite affaire.
Les Grecs ne disposaient en effet ni de cartes marines ni d’instruments
de navigation leur permettant de se repérer et de tenir leur cap. En outre, leurs
navires n’étaient équipés que de voilures rudimentaires, capables seulement de
les porter dans la direction du vent. C’est ce qui explique que le retour des
rois et de leurs armées fut généralement long et difficile. Trois d’entre eux, cependant,
eurent une traversée facile.
Le retour éclair de Nestor
Nestor, le vieux roi de Pylos, âgé alors de quatre-vingt-dix
ans, fut le premier à partir, non sans avoir pris congé avec émotion de ses
compagnons, et notamment d’Ulysse, qui lui était particulièrement cher. Nestor
ne manqua pas, à cette occasion, d’énoncer quelques-unes des sentences
philosophiques dont il avait le secret.
À Ménélas qui lui demandait s’il ne craignait pas les
difficultés et les périls du voyage, il répondit par exemple :
— L’attente du malheur est plus dure à supporter que le
malheur lui-même ; d’ailleurs, du mal que l’on redoute comme du bien qu’on
espère, il ne survient jamais que la moitié.
Et comme Ulysse lui demandait ce qu’il comptait faire en
rentrant chez lui :
— J’ai des projets jusqu’à l’âge de cent vingt ans, assura-t-il ;
après, il sera temps d’aviser.
Nestor était réputé pour son expérience et sa sagesse ;
mais, comme cela arrive souvent, ses défauts s’étaient accentués avec l’âge :
jeune, il avait déjà tendance à être
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