Les dîners de Calpurnia
prit le chemin d'Ostie à
bord de trois cabriolets à deux roues attelés à deux bêtes. Dire que le voyage fut agréable serait exagéré. Les occupants des voitures étaient secoués comme si la terre tremblait et les roues cerclées de fer faisaient sur les dalles de la route un bruit assourdissant.
- Je plains ceux qui doivent faire de longs voyages, réussit à dire Calpurnia à son mari qui partageait avec elle la voiture de tête.
- César, en dormant dans son cisium, qui était peut-être plus confortable que le nôtre, a parcouru cent cinquante kilométres par jour, remarqua Rabirius. quatre-vingts kilométres en dix heures de nuit entre Rome et Ameria ! C'est Martial qui lisait cela l'autre jour dans un rouleau de Cicéron.
La route d'Ostie, l'une des plus fréquentées de l'Empire, était pourtant en bon état. Les dalles de grés étaient convenablement jointes, les orniéres creusées dans la pierre peu profondes, ce qui était appréciable lorsqu'il fallait en sortir pour laisser passer une voiture venant en sens inverse.
Les cavaliers, beaucoup plus rapides, dépassaient sans mal le convoi et les voyageurs se saluaient d'un vole, salve
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vigoureux. La route romaine estompait les classes, l'atmosphére y était bon enfant et les pierres milliaires défilaient assez vite en dépit des cahots.
A la onziéme de la via Ostia, le cocher du cabriolet de tête arrêta les chevaux et dit à Rabirius qu'il serait bien de faire une halte à l'ombre des oliviers car on allait maintenant emprunter un chemin en partie sablonneux o˘ les attelages avanceraient avec peine et lenteur. Tout le monde descendit donc des voitures, les uns avec une gourde de vin, les autres chargés de fruits, de charcuterie et de pain. Martial, toujours alerte malgré ses soixante-huit ans, se moqua de Juvénal tombé en descendant du cisium. Ce dernier répondit par quelques vers qui firent rire tout le monde. quant à Petronius, dont c'était le premier voyage, il vivait un grand jour et ne cessait de poser des questions.
- La villa de Pline est-elle plus grande que le Vélabre ? Combien a-t-elle de chambres ? Y voit-on la mer ? Y a-t-il une piscine ?
- D'aprés ce que je sais, répondit Lucius, qui était aussi invité avec sa femme, la villa que Pline essaie de faire passer pour une modeste maison des champs au confort à peine acceptable est en réalité une vaste et luxueuse demeure o˘ il peut loger des dizaines de personnes, sans compter ses nombreux esclaves.
Aprés une heure de route un peu difficile, surtout pour les chevaux car les voyageurs trouvaient plus agréable d'être portés sur le sable que sur les pavés, le chemin devint superbe dans la traversée de bois et de prairies o˘
paissaient des moutons, mêlés par endroits à des groupes de chevaux et de búufs.
- Les bêtes s'engraissent dans la plaine avant de gagner leurs montagnes d'été, expliqua Rabirius qui se flattait d'avoir des connaissances agricoles parce qu'il avait passé une partie de sa jeunesse à la campagne.
- Si toutes appartiennent à Pline, notre ami est encore plus riche que nous ne le pensions ! enchaîna Calpurnia. Mais regarde, ajouta-t-elle, voici la villa !
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On était arrivé devant l'entrée d'une maison dont apparence modeste ne suscitait pas l'admiration. Mais qu'allait-on découvrir derriére le portail qu'ouvrait un esclave ?
Pline, souriant, tendait les bras pour accueillir ses amis, écartant sa large tunique de lin qui s'enflait comme ‚ne voile sous la brise venue de la mer.
- Enfin, vous voilà ! quel bonheur de vous recevoir dans ma retraite. Soyez les bienvenus, entrez, nous allons prendre un repas et je vous ferai ensuite visiter la \ illa. A moins que vous ne préfériez vous installer d'abord dans vos chambres ? Toutes s'ouvrent sur la mer... Mais je \ous ai promis une surprise et c'est par elle que nous allons commencer. D'abord je viens d'atteindre au consulat, ensuite je me suis remarié ! Ma nouvelle femme est adorable. Peut-être vous semblera-t-elle bien jeune mais le trouve que ce n'est pas un défaut. Ah ! Son nom va poser un probléme : elle s'appelle Calpurnia !
Pline était trés discret sur tout ce qui concernait sa vie privée et ses amis ne s'étonnaient plus des coups de thé‚tre sentimentaux qu'il leur ménageait de temps à autre. Il s'était déjà marié deux fois et l'annonce qu'il avait pris une troisiéme épouse n'e˚t surpris personne si elle ne s'était appelée Calpurnia.
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