Les dîners de Calpurnia
ouverte sur la mer par une courbe de marbre en forme d'arc. Il insista sur le systéme de conduits destinés à distribuer la chaleur, indiqua les piéces attribuées aux esclaves et aux affranchis "
presque toutes si bien arran-
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gées qu'elles peuvent recevoir des hôtes ". Puis l'assistance éblouie passa de l'autre côté du corps central.
- Voici, commenta Pline, deux chambres élégamment décorées, puis une petite salle à manger, radieuse sous l'éclat du soleil et de la mer. Ensuite la salle des bains froids avec deux vastes baignoires, le cabinet de toilette, la chambre de chauffage, l'étuve, et la réussite dont je suis fier, j'en prends à témoin notre grand architecte Rabirius, cette merveilleuse piscine d'eau chaude dans laquelle on peut nager en ayant l'impression d'être dans la mer...
Pline promena encore ses hôtes à la découverte de nouvelles chambres, de tourelles, de la salle à manger du soir donnant sur une grande étendue marine, avant de les entraîner dans le jardin par une allée bordée de buis et de romarin. Il montra combien les m˚riers et les figuiers poussaient bien dans ce terrain peu favorable aux autres arbres et annonça un autre corps de logis communiquant avec une galerie vo˚tée. Devant elle une terrasse parfumée de violettes. Pline expliqua avec une certaine délectation comment il avait réussi, par un jeu de stores et de paravents, à rendre la vie agréable aussi bien en hiver qu'en été.
- Et maintenant, mes amis, je vais vous montrer, pour terminer, un pavillon, bonheur de mes jours et de mes nuits, que j'ai placé au bout du jardin. Il est minuscule mais posséde une étuve solaire et une chambre avec une alcôve qui s'enfonce dans la paroi. De là on a la mer à ses pieds ! A côté est la chambre pour la nuit et le sommeil. Ce lieu ne perçoit ni les voix des esclaves, ni le grondement de la mer, ni l'ébranlement des tempêtes, ni la lueur des éclairs, pas même la lumiére du soleil, à moins que les fenêtres ne soient ouvertes.
- J'admire la conception de cette maison modéle, dit Rabirius. Tu as su tirer merveilleusement parti de constructions existantes et celles que tu as imaginées pour les réunir et les compléter sont dignes d'un grand architecte. Si tu n'avais pas aussi bien réussi dans la carriére séna-
'.oriale et dans celle d'avocat, je dirais que tu as manqué :a vocation !
- Merci, Rabirius. Venant de toi, ces compliments me comblent. Mais vous tous, mes amis, ne trouvez-vous pas, maintenant que vous connaissez ma maison, que j'ai de bonnes raisons de m'être établi dans cette retraite, de m'y tenir le plus souvent possible et d'en faire mes délices ? Puisse ma petite villa, avec de si grands charmes, revêtir le mérite de vous avoir souvent sous son toit1 !
A la fin du dîner, alors qu'il ne restait plus sur la table que des coupes et une amphore de vin doux, Pline se leva et dit avec une pointe d'humour appréciée de ses amis :
- Depuis votre arrivée, je vous ai imposé le panégyrique de ma Calpurnia et celui de ma villa. J'espére que votre amitié vous fera aussi supporter celui de notre César. Je vais vous faire la lecture de mon allocution devant les Péres conscrits, de la graiiarum actio que je compte un jour développer en une véritable histoire de Trajan.
Il commença de lire, de sa belle voix grave qui avait fait sa réputation d'orateur et d'avocat :
" quel présent du ciel est plus précieux ou plus beau qu'un empereur vertueux ? Je bénis l'usage qui me fait, >ur l'injonction du Sénat et au nom de l'Etat, remercier le meilleur des princes... "
Chacun écoutait l'orateur et, sans rien en montrer, jugeait son discours selon son tempérament et son humeur. Ainsi Rabirius trouvait-il le monument grandiose mais sans fantaisie ; Calpurnia la Jeune buvait les paroles de son époux, l'Ancienne trouvait que les honneurs rendaient Pline ennuyeux ; Juvénal ne se cachait pas pour confier à Martial que l'emphase avait des limi-
1. Dans l'une de ses lettres à son ami Gallus Salut, Pline le Jeune a décrit avec beaucoup de détails sa villa des Laurentes (Livre 11-17).
L'emplacement de cette villa a été reconnu, mais aucun vestige n'a été mis au jour. De nombreux archéologues ont tenté d'en retrouver le plan exact d'aprés les indications fournies par Pline mais la diversité des résultats auxquels ils ont abouti montre la vanité de l'entreprise.
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tes ; impénétrable, Lucius vidait sa coupe
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