Les dîners de Calpurnia
récit de la tragédie.
Le premier tenait ses renseignements d'un jeune esclave chargé du culte des dieux lares, Clodanius, qui était présent, le second de Lucius qui, bien qu'il s'en défendît, avait participé au complot.
- L'émissaire du destin était Stephanus, l'intendant de Domitia, dit Martial. Il avait longuement préparé l'attentat avec quelques autres conjurés qui, comme lui, craignaient à chaque instant d'être arrêtés.
Depuis une semaine, il portait le bras en écharpe, à la suite affirmait-il d'un accident dont il était sorti blessé. A l'heure o˘ un complice venait de lui signaler que l'Empereur gagnait ses thermes privés, il a glissé un poignard dans les bandes de son pansement et s'est fait annoncer sans dire qui il était à l'esclave de chambre.
- Domitien fut surpris de voir qu'il s'agissait de Stephanus, continua Rabirius. Mais il prit le rouleau de papyrus que le visiteur lui tendait.
Il commençait à lire quand Stephanus sortit sa dague et le frappa au bas-ventre. Aprés, les avis différent quelque peu sur le nom des autres conjurés surgis de l'extérieur. On est s˚r pourtant que Domitien, blessé
mais encore capable de se débattre et de crier, a commandé à Clodianus d'appeler à l'aide et de lui apporter le poignard caché sous son oreiller.
Le jeune esclave, faut-il le croire ? a déclaré qu'il n'avait trouvé que le manche et que toutes les issues étaient fermées. L'Empereur, toujours selon Clodanius, se défendit encore un moment contre Stephanus avant d'être terrassé par un groupe dont faisaient partie Maxi-mus, l'affranchi de Stephanus, Saturius, décurion des gardes de la chambre et quelques gladiateurs.
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- Domitien, dit Calpurnia, sera au moins mort en se battant, lui qui n'avait jamais brillé sur les champs de bataille et n'avait bénéficié que de triomphes de pacotille ! Voilà encore un César que Rome ne regrettera pas !
- Rome, peut-être, mais de nombreux soldats ne vont pas manquer de pleurer celui qui les a couverts de bienfaits. Allons, mes amis, continua Rabirius, il est l'heure de boire en l'honneur de notre prochain César !
10 L'‚ge d'or
Nerva, le suivant sur la liste des Césars, n'eut le temps ni de montrer ses talents ni de rien faire qui p˚t nuire à sa renommée. Cet Ombrien aimable, appelé au trône à l'‚ge de soixante-six ans, avait en parfait opportuniste traversé sans trop de soucis les régnes de Néron et de Domitien si dommageables à l'aristocratie sénatoriale. Mort seulement seize mois aprés sa désignation, cet homme falot servit néanmoins bien Rome, l'on s'en rendra compte plus tard. Refusant de choisir un successeur parmi les membres de sa famille, il fit preuve de beaucoup de désintéressement et de clairvoyance en adoptant Trajan. Cet acte suffira à sa gloire. Sans lui la dynastie des Antonins n'aurait pas existé.
Trajan, né à Italica, le plus ancien centre romain d'Espagne et d'Occident, avait fait l'essentiel de sa carriére hors de Rome et était de ce fait peu connu du peuple lorsqu'il arriva de la Germanie supérieure pour succéder à
Nerva, son pére adoptif. Pline le Jeune, lui, était convaincu que Rome avait fait un bon choix. Il savait qui était Trajan. C'est à ses amis du Vélabre qu'il donna la primeur de la lecture du début de l'ouvrage qu'il lui consacrait1.
- Voilà une excellente occasion de nous réunir dans ma villa des Laurentes, dit-il. Il y a longtemps que je
1. D'abord allocution de remerciements prononcée au Sénat et qui, développée, deviendra plus tardivement le célébre Panégyrique de Trajan.
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I
souhaitais vous y inviter mais mes absences de Rome et mon perfectionnisme
- je voulais que la propriété soit terminée pour vous la montrer - m'en ont empêché. Et puis, je vous réserve une surprise !
Pline possédait, prés d'Ostie, une de ces suburbana qu'affectionnaient les Romains, une maison de campagne dont tout le monde vantait, sans l'avoir vue, le luxe distingué, le confort extrême et le charme discret. De loin le plus fortuné des amis du Vélabre, Pline était aussi propriétaire d'une grande ferme en Toscane et de plusieurs maisons à Corne, sa ville natale.
Personne ne se fit prier pour accepter l'invitation. Vingt-cinq kilométres, cela ne représentait que quelques heures de voiture. Rabirius, qui faisait travailler les loueurs toute l'année, obtint des prix intéressants et, par une belle matinée de printemps, toute la maisonnée
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