Les dîners de Calpurnia
à petites gorgées ;Terentia avait l'air de trouver l'exercice admirable ; Petronius, lui, était sorti dans le jardin sans attirer l'attention.
Un passage sur la vénération des soldats pour leur chef secoua tout de même l'auditoire :
" Les guerriers partageaient avec toi les privations, avec toi la soif. Tu mêlais aux escadrons la poussiére et la sueur impériales... Tu consolais les fatigués, tu soulageais les malades. Tu ne rentrais jamais sous ta tente avant d'avoir passé en revue celles de tes compagnons d'armes et tu ne prenais de repos que le dernier... "
On écouta également avec attention lorsque Pline commença à raconter l'entrée de Trajan à Rome. L'événement avait été considérable, la plupart de ceux qui étaient présents y avaient assisté, il était intéressant de voir comment Pline allait le traiter :
" quel jour merveilleux que celui o˘, attendu, désiré, tu es entré à pied dans ta ville ! Tes prédécesseurs s'étaient fait voiturer. Certains avaient même estimé qu'un quadrige attelé de blancs coursiers était indigne d'eux et avaient exigé des épaules humaines pour porter leur orgueil. Toi, seules ta taille et ta noblesse te faisaient plus grand que les autres. Ainsi ni l'‚ge, ni la santé, ni le sexe n'empêchérent quiconque de venir t'acclamer.
Les malades, au mépris des ordres de leur médecin, se traînaient sur ton chemin comme si tu devais leur apporter la guérison. Les jeunes voulaient t'approcher et les femmes se réjouissaient que leurs enfants puissent grandir sous ton empire et servir plus tard sous tes armes. On pouvait voir les toits fléchir sous le poids de ceux venus à ta rencontre. Partout des rues bondées o˘ la foule ne te laissait qu'un étroit passage...
" Aprés être monté au Capitole tu as pris, toujours à pied, le chemin de la Domus Augustana avec le même visage souriant, la même simplicité d'un simple citoyen regagnant sa maison. Ta marche tranquille et lente, dans la mesure seulement o˘ le permettait la foule des spec-270
tateurs, montrait que, dés le premier jour, tu te faisais avec confiance accessible à tous.
" Semblable début e˚t été écrasant pour tout autre. Toi :u te montres chaque jour plus parfait. Tu es le seul que fasse grandir le temps qui passe. Tu allais à pied, tu vas à pied ; tu aimais le travail, tu l'aimes.
La fortune qui a tout changé autour de toi n'a rien changé en toi. Avant toi, les princes, par mépris de nous ou je ne sais quelle crainte d'un semblant d'égalité, avaient perdu l'usage de leurs Ôambes. Des épaules et des cous d'esclaves les portaient au-dessus de nos têtes. Toi, la renommée, la gloire et 1 amour que te portent les citoyens te hissent au-dessus des princes. Toi, tu es élevé jusqu'aux cieux par cette terre commune à tous, o˘ les traces du prince se mêlent aux nôtres. "
Tout le monde applaudit. Par-delà la forme exagérément louangeuse exigée parle dithyrambe, on ne pouvait qu'admirer le style et le fond du tableau peint par le nouveau consul suffect de Rome. Pline était vraiment le grand orateur de son temps !
- Finalement, conclut Calpurnia en traversant le jardin aux violettes qui menait à sa chambre, nous gardons un ami fidéle et gagnons un empereur d'exception. Cela valait bien un discours !
Calpurnia ne se doutait pas alors qu'elle reviendrait bientôt dans cette maison de rêve à la suite d'événements pénibles.
quelques mois aprés l'agréable-promenade dans le pays des Laurentes, un coup de thé‚tre bouleversa en effet la vie de la maison du Vélabre.
Il était déjà tard. Aprés avoir longtemps bavardé, Calpurnia et Rabirius s'apprêtaient à se coucher lorsque des coups précipités ébranlérent la porte d'entrée.
- qui peut venir à cette heure ? s'inquiéta Calpurnia.
- N'attendons pas que ce fainéant de Regus aille ouvrir, j'y vais ! lança Rabirius qui se trouva bientôt dans
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l'atrium en face de Juvénal. Le poéte était p‚le et essoufflé :
- que se passe-t-il ? demanda Rabirius. Il n'est rien arrivé à Martial, j'espére ?
- Non. Notre ami n'est pas flambant, les ans lui pésent, mais il ne va pas plus mal. C'est de Calpurnia qu'il s'agit.
- Calpurnia ? Mais tiens, la voilà, toujours gaie et alerte. Elle rajeunit depuis que sa belle homonyme enchante la vie de Pline.
Juvénal embrassa sa vieille amie et ajouta aussitôt :
- Calpurnia, tu as été dénoncée comme chrétienne active, réfractaire à la religion
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