Les dîners de Calpurnia
sont fiers. Sa grand-mére, Calpurnia, a régné durant prés d'un demi-siécle sur les intellegentes de Rome. Lui a préféré la sculpture à l'architecture.
- Il a bien fait car il y excelle. Alors ?
- Il vit avec ma fille une irrésistible passion. Tu sais qu'elle est veuve d'Ennius Flaccus et je viens te demander ce que je dois faire.
- Evidemment, il doit descendre d'un affranchi, pour ne pas dire d'un esclave ?
- Sans doute. Mais s'il n'appartient pas à l'ordre équestre, il a une grande noblesse d'‚me et un talent qui vaut bien des titres héréditaires.
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- Tu n'as pas à me convaincre, moi qui ai proclamé l'édit perpétuel, protégé les esclaves contre les iniquités de leurs maîtres et donné des droits aux femmes.
- C'est pour cela, César, que je te demande d'accorder à Rufa et à ton nouveau procurator, dont le portrait d'Antinous t'a tant ému, l'autorisation de se marier.
- C'est toi, un sénateur, soucieux par nature de la sauvegarde de la société romaine, qui me demandes cela ?
- J'ai été aussi soucieux, durant toute ma vie, du service de l'Empire et, aprés tant d'années vécues à tes côtés, je reste ton plus fidéle serviteur.
- Mais je ne peux pas t'accorder une permission contraire à toutes les traditions et qui constituerait un grave précédent !
- César peut tout.
- Tu m'ennuies à la fin de me dire ce que je peux faire. N'oublie pas que je suis César ! Rufa n'aurait pas pu, comme toutes les filles de sénateur, s'amouracher d'un chevalier ?
- Si c'était le cas, je n'implorerais pas ta mansuétude à l'égard d'un génie capable de conserver vivante la beauté d'un dieu disparu. Mais si cette décision non conforme aux usages apparaît inconciliable avec ton devoir, je n'insiste pas.
- Tu sais aussi bien que moi que je n'ai pas le droit de permettre à Rufa d'épouser un manuel sans titre...
Hadrien regarda un instant en silence son vieux compagnon attristé puis il ajouta en souriant :
- ... Mais j'ai le droit d'accorder un titre ! Celui, par exemple, de chevalier de l'ordre équestre à... Comment s'appelle déjà notre génie ?
- Petronius.
Milvius Aurelius, ému aux larmes, s'avança et étreignit son Empereur en pensant qu'il venait de gagner le plus difficile combat de son existence.
…pilogue
II y avait bien longtemps que les censeurs n'intronisaient plus les nouveaux chevaliers. Ce furent deux sénateurs-curateurs qui ratifiérent la nomination de Petronius. Sa fortune n'atteignait pas les quatre cent mille sesterces exigés mais la caution de Milvius Aurelius résolut cette derniére difficulté. Pour la premiére fois dans l'histoire de Rome un artiste, un manuel, eut droit à l'anneau d'or et à la trabea, manteau blanc à bandes de pourpre.
Ce n'est pas dans cette tenue qu'il s'installa à Ostie, dans la vieille maison d'Atticus, pour sortir du marbre la copie des cariatides de l'Erechthéion. Rufa, qu'il avait enfin pu épouser, avait retrouvé à ses côtés les plaisirs de la vie agreste. Ensemble ils dressérent les plans de leur future villa conçue autour de la cour des dieux qu'ils décidérent de garder dans son intégralité, en souvenir du vieux sculpteur et par respect pour les oiseaux.
C'est au cours d'un de leurs concerts matinaux que Rufa annonça à Petronius qu'elle attendait un enfant. Ostie était leur maison des champs, à Rome ils habitaient le Vélabre o˘ Rufa essayait, avec succés, de former un cercle d'artistes et de poétes mais, comme elle le disait, il aurait été vain de vouloir ressusciter la maison magique o˘ jadis soufflait l'esprit, le Vélabre de Calpurnia dont le buste souriant protégeait toujours l'entrée de l'atelier.
quand Petronius ne sculptait pas, il passait de longues journées dans la villa de Tibur o˘ l'Empereur se retirait souvent pour s'y reposer et surtout pour travailler à son
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embellissement. Hadrien aimait parcourir avec lui les ombrages du parc immense : " Tu vois, lui disait-il, avec toi je peux parler de certaines choses, je me sens en confiance, un peu comme avec Antinous dont tu as réussi, sans le connaître, à percer une part du mystére. " La ville d'Antino˚polis continuait, sous l'impulsion farouche de son fondateur, à
grandir sur les bords du Nil. Chaque mois, Petronius y envoyait une nouvelle statue pour décorer un nouveau quartier. Etrangement, le culte de l'enfant-dieu continuait d'être honoré et le nombre de ses adeptes augmentait.
Le temps de la
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