Les dîners de Calpurnia

mains de Calpurnia et de Celer.
    - Une mort de Romain, dit ce dernier.
    - Une mort de seigneur, ajouta Calpurnia, en pleurs.
    Le malheur, quand il touche une maison, forme un rempart contre les atteintes de l'extérieur. Celer et Martial qui, comme tous les Romains, s'intéressaient de prés à la politique, avaient perdu le go˚t d'aller quêter des nouvelles au forum et de passer au crible de la discussion les événements marquants. Pourtant, depuis l'incendie du Capitule, considéré
    par les Romains comme la plus honteuse catastrophe que l'Etat e˚t éprouvée depuis la fondation de la ville, les nouvelles ne manquaient pas qui eussent en un temps normal passionné les deux amis. Durant prés d'une semaine, on s'était battu dans les rues,
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    les deux partis se poursuivant et se livrant à des exactions alors que les gens du peuple, ou du moins les plus vils d'entre eux, participaient au pillage des demeures avec les soldats.
    Cette absence d'intérêt pour la vie publique et les hommes politiques n'était pas propre à la famille du Vélabre. La valse des Empereurs et les luttes incessantes pour le pouvoir avaient émoussé la passion de la plupart des Romains pour la politique. Ainsi, quand bien même on annonçait les légions d'Antonius1 aux portes de Rome, la ville continuait néanmoins de vivre, de se distraire, de jouer, de fréquenter les thermes et de se nourrir comme si la guerre civile que se livraient Flaviens et Vitelliens ne les concernait pas. Une partie de Rome était en furie, l'autre en folie !
    Enfin, les combats cessérent et, peu à peu, les choses rentrérent dans l'ordre. Martial recommença de fréquenter le forum et, comme Valerius l'avait fait si souvent, en rapportait des nouvelles :
    - Antonius a fini par gagner. Vitellius est mort. Encore un César qui aura connu une fin ignominieuse ! Vous voulez savoir ?
    - Bien s˚r, dirent ensemble Celer et Calpurnia.
    - Notre frére Valerius aurait écrit un rouleau passionnant sur cette mort.
    Je raconte moins bien que lui mais vous vous contenterez de mon récit.
    L'ultime bataille s'est déroulée au camp des prétoriens o˘ les derniers et les plus intrépides partisans de Vitellius s'étaient retranchés. Ceux-ci exterminés, la ville a été rendue ce matin au Sénat et au peuple, les temples aux dieux !
    - Et Vitellius ? demanda Calpurnia.
    - Aprés avoir tenté de fuir, il est retourné au Palatin, que tout le monde, jusqu'au dernier esclave, avait déserté. Epouvanté, il a erré un moment dans les appar-1. Antonius Prima, général habile et ambitieux, avait servi sous Galba et Othon avant de se déclarer en faveur de Vespasien. Celui-ci encore retenu sur les routes d'Orient, c'est Antonius qui assura sa victoire sur Vitellius.
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    tements vides puis s'est caché dans un réduit d'o˘ Julius Placidus, tribun d'une cohorte, l'a délogé. Mains liées derriére le dos, les vêtements en lambeaux, celui qui était encore l'Empereur a été traîné en ville, forcé de relever la tête à la pointe de l'épée et de regarder ses statues que l'on renversait. On lui montra le lieu o˘ Galba avait péri puis il fut conduit aux Gémonies1 o˘ tant de corps suppliciés avaient été précipités. Percé
    alors de mille coups, il a été jeté sur l'escalier d'o˘ la populace l'a tiré jusqu'au Tibre à l'aide d'un crochet. Ah ! j'oubliais : Sabinus, le frére de Vespasien, a été repris par les troupes de Vitellius aprés le siége de la citadelle du Capitale et exécuté.
    - Et Vespasien ? demanda Celer, va-t-il enfin rentrer d'Orient pour remettre un peu d'ordre dans l'Empire ?
    - Il a laissé son fils Titus terminer la guerre de Judée contre les Juifs.
    Jérusalem est défendue par le courage et le fanatisme de ses habitants. Le nouveau César entrera bientôt dans Rome. Nul prince avant lui n'avait pris le pouvoir dans une période aussi effrayante. que les dieux l'aident à
    sauver l'Empire s'il en est encore temps !
    1. Les Gémonies (degrés) étaient l'escalier qui descendait de la prison de Rome vers le Tibre. Les cadavres des condamnés y restaient exposés plusieurs jours avant d'être jetés dans le fleuve.
    Les douceurs de la paix
    Vespasien était encore en Orient lorsqu'il apprit le désastre qui avait ravagé le temple de Jupiter Capitolin, en décembre 69, au cours de la lutte entre ses partisans et les Vitelliens. Sans attendre, il avait donné
    l'ordre de le reconstruire et la premiére pierre fut posée en son nom