Les dîners de Calpurnia
souterraine avec ses couloirs, ses magasins de vêtements et d'accessoires, son armurerie, ses réfectoires et chambres de repos des gladiateurs et, enfin, les cages qui devaient contenir les bêtes fauves destinées aux jeux et aux 1. La libra pesait 327 grammes. Elle suffisait aux besoins des Romains incapables de peser de trés lourds chargements. On ne connaît aucune unité
de poids supérieure.
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combats. Il avait aussi prévu, comme cela existait déjà dans quelques thé
‚tres, des monte-charge destinés à hisser jusqu'au sable de l'aréne les décors et les protagonistes des combats sanglants qui devaient s'y dérouler.
Ces coulisses souterraines prenaient forme. Avant d'être recouvertes, elles apparaissaient au public comme une sorte de labyrinthe. quant à l'amphithé
‚tre lui-même, son immense ovale se dessinait par les premiers blocs de pierre des fondations qui auraient à supporter le poids colossal de l'édifice. Juste devant le chantier, une autre curiosité attirait les Romains : la statue de Néron, maintenant entourée d'un échafaudage géant.
Au sommet, des b‚ches protégeaient Zénodore et ses deux aides des regards indiscrets. Leur travail, il est vrai, était assez particulier : ils décapitaient Néron pour remplacer ses traits abhorrés par une autre tête stylisée symbolisant le soleil. Vespasien avait trouvé ce transfert astral plaisant : le soleil reprenait ainsi sur Rome la souveraineté légendaire qu'un César lui avait volée, un César que son successeur, le premier des Flaviens, voulait que l'on oublie.
Il fallait de la foi et une grande volonté politique pour entreprendre de tels travaux dans un pays à peine remis des folies de Néron et des désordres qui avaient éclaté aprés sa mort. Vespasien n'en manquait pas. Au Vélabre, comme chez tous les Romains responsables, on suivait de prés cette expérience. Certes, Celer n'entretenait pas avec l'entourage de l'Empereur des relations permanentes. Et Valerius n'était plus là pour apporter au jour le jour les derniéres nouvelles de la cour. Heureusement, Martial, rentré en gr‚ce, fréquentait à nouveau le palais et Actée venait parfois rendre visite à Calpurnia, surtout depuis la naissance de Terentia qu'elle adorait. Les informations ne faisaient pas défaut. Si elles étaient souvent dénuées d'intérêt, c'est qu'il ne se passait rien d'extraordinaire ni de scandaleux chez l'Empereur Vespasien. Finies les fêtes somptueuses, les orgies et les représentations impériales. Vespasien ne jouait pas de la fl˚te, ne regardait pas les femmes et les gitons à travers un mono-153
clé d'émeraude et n'avait pas prés de lui un Tigellin qui gouvernait à sa place. Il traitait bien ses amis en petit comité, aimait plaisanter à table et, s'il écoutait de la musique, c'était le plus souvent chez lui, en famille, dans ses Jardins de Salluste. Il ne jouait pas les histrions : il travaillait, appliquait avec une volonté farouche le programme qu'il estimait être le meilleur pour l'Empire et qui s'inspirait du vieux régime civil d'Auguste, leprinceps (le premier) ou principal. Ce régime de pouvoir personnel basé sur le respect de l'opinion publique était pour lui nécessaire et l'immense majorité des Romains le suivaient dans cette voie qui éloignait le péril militaire.
Ce gouvernement de bon sens convenait à Celer qui pouvait travailler en paix, à Calpurnia qui ne craignait pas de voir son mari à la merci d'un tyran, et même à Martial qui avait conscience que l'Empereur, s'il était loin de partager les go˚ts et les conceptions littéraires de l'époque précédente, voulait étendre à la littérature et aux arts la devise figurant sur ses monnaies : Romú Resurrectio (la Résurrection de Rome).
La question avait été longuement débattue au cours d'une soirée mémorable au Vélabre. On fêtait l'anniversaire de Pline, grand voyageur, qui, par bonheur, était romain ce jour-là. Stace et sa femme Claudia étaient de la fête ainsi que le curator Marcellus, grand ami de Pline et personnage ô
combien important du dîner. C'était un homme affable, fort instruit, ce qui n'était pas négligeable dans ses fonctions. Il avait suivi la carriére sénatoriale classique aprés un commandement dans l'armée et de hautes responsabilités administratives. Sa situation de curator en faisait, depuis l'avénement de Vespasien, une sorte de ministre tout-puissant des arts et des monuments
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