Les dîners de Calpurnia

que je pourrai en faire une amie.
    J'en ai un peu assez de tous ces m‚les qui viennent picorer dans nos assiettes ! "
    Dalie, c'était son nom, prouva en effet, par son esprit de repartie et ses questions intelligentes, qu'elle pouvait espérer entrer dans le cercle trés fermé du Vélabre, contrairement à beaucoup d'autres qui s'y étaient essayées et avaient raté leur examen de passage.
    Fine mouche, elle avait entrepris dés son arrivée la conquête de Celer en le questionnant sur les travaux de l'amphithé‚tre, sa capacité, son style, les matériaux utilisés, si bien que, coupe de mw/sura1 en main, tout le monde suivit Celer dans l'atelier o˘ l'architecte développa devant le chevalet les détails de son projet.
    - Dis donc, lui glissa Calpurnia à l'oreille tandis qu'ils revenaient dans le triclinium, tu te donnes bien du mal pour cette jeune femme. N'oublie pas qu'elle est venue avec Martial !
    1. Vin miellé que les Romains buvaient en apéritif.
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    - Mais non, s'excusa-t-il. Je fais cela pour tout le monde !
    Elle rit de bon cúur à l'idée que son mari avait pris sa remarque au sérieux mais elle se demanda si, au fond, il n'y avait pas dans sa question une once de jalousie.
    Deux autres invités partageaient ce soir-là la cena : Papinius Statius, que l'on appelait Stace, et sa femme Claudia, veuve d'un musicien et mére d'une petite fille, ce qui l'avait rapprochée de Calpurnia. La réputation de Stace était grande. Poéte épique, il avait été l'un des protégés de Néron depuis qu'il avait remporté le concours de poésie aux Jeux napolitains présidés par l'Empereur. Poéte de métier, il n'exerçait aucune charge et vivait tant bien que mal, comme son ami Martial, de la publication de ses úuvres et de la générosité de riches Romains. Le couple était sympathique et tenait sa place dans la conversation. Stace était bien un peu bavard, il ne fallait pas le laisser s'emballer sur son cheval de bataille, une épopée apparentée à L'Enéide bien qu'il s'en défendît. Il n'était encore qu'au début de son long poéme, La ThébaÔde, qui devait lui demander une dizaine d'années de travail.
    Comme souvent lorsque des femmes sont réunies, il fut bientôt question de religion. Chacune avait la sienne, encore que les frontiéres fussent vagues. Calpurnia avoua sa faiblesse pour les cultes orientaux, celui d'Isis en particulier qui avait exaucé ses vúux au moment de son mariage et à la naissance de sa fille. Claudia, elle, demeurait fidéle au vieux culte romain tandis que Dalie, à l'étonnement de tous, dit qu'elle vénérait Jésus qui annonçait l'arrivée d'un temps nouveau.
    - Les chrétiens qui sont morts sous Néron ont été victimes d'une accusation mensongére, affirma-t-elle. Ces hommes et ces femmes pour qui tout n'était qu'amour n'auraient jamais pu déclencher l'incendie de Rome !
    Martial écoutait son amie en hochant la tête. Il n'était pas, c'était évident, prêt à partager l'enthousiasme de la
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    jeune femme pour ce Juif rebelle dont la résurrection lui paraissait absurde.
    La soirée finie, Calpurnia, songeuse, questionna Celer :
    - que penses-tu de l'histoire de Jésus et de ses disciples ? Je t'ai déjà
    dit que cette question me tourmentait. Un jour il faudra que je demande à
    Dalie de me présenter ses amis.
    - Je n'en pense rien. J'ai déjà du mal à croire à la kyrielle de nos dieux officiels et je ne sais pas qui reviendra présider le Jugement dernier. Ma religion à moi est celle de la pierre et le miracle qui m'étonnera toujours, c'est que l'homme réussisse à maintenir en équilibre ces vo˚tes qui pésent des milliers de milliers de livres1 ! Ce sacré amphithé‚tre me fait vivre en permanence dans le surnaturel !
    - C'est pour cela que tu es mon dieu ! Allons nous coucher et montre-moi si tu es encore capable à cette heure de faire des prodiges !
    Un an avait passé depuis que Celer avait été chargé de coordonner les activités des maîtres d'úuvre de ce qui devait être le plus gigantesque monument du monde. Dans l'atelier, les plans de papyrus s'amoncelaient et, sur le chantier, les badauds se succédaient du matin au soir autour de l'immense gouffre qui avait été autrefois la piéce d'eau de la Domus Aurea.
    Plutôt que de combler entiérement le trou asséché, Celer avait eu l'idée d'y élever à la fois les fondations de l'amphithé‚tre et d'y enfouir le sous-sol de l'aréne qu'il imaginait comme une ville