Les dîners de Calpurnia

dureraient cent jours et que l'aréne serait recouverte de planches mobiles afin de pouvoir être mise en eau pour organiser des naumachies. On parlait encore des combats navals d'Auguste, de Claude et de Néron, 199
    aussi Titus voulait-il que les naumachies vespasiennes les dépassent en importance et en qualité1. Cette derniére exigence causait bien des soucis à Celer qui avait prévu de destiner le sous-sol aux gladiateurs, aux cages de fauves et aux magasins d'accessoires. Il fallait donc en h‚te démolir cette installation, heureusement non terminée, la remplacer par un bassin étanche et prévoir une alimentation en eau du Tibre.
    Celer et Rabirius décidérent qu'on travaillerait le jour et la nuit à la lueur de centaines de lanternes.
    - C'est le dernier effort ! disait Celer à Calpurnia qui s'inquiétait de voir son mari s'épuiser à la t‚che. Aprés, il ne restera plus qu'à
    construire un quatriéme étage aux pilastres corinthiens pour avoir la possibilité d'installer des tribunes supplémentaires. Mais cela n'est encore qu'un projet qui ne verra le jour que dans un an ou deux.
    - Ménage-toi, suppliait Calpurnia. Ce matin encore, Terentia se plaignait de ne plus te voir.
    - Dis-lui que nous l'emménerons à l'inauguration et qu'elle occupera l'une des meilleures places, tout prés de celle de César.
    - Tu n'as tout de même pas l'intention de montrer à notre fille le spectacle de gladiateurs qui s'entre-tuent ou de bêtes féroces qui dévorent de pauvres condamnés !
    - Mais non, le spectacle du premier jour ne comportera rien de tout cela !
    L'horreur qui plaît tant aux Romains sera pour plus tard.
    La date du 5 mai approchait et la foule se passionnait pour les derniers préparatifs. On regardait les esclaves orientaux évacuer les gravats et les matériaux inutiles, on encourageait les balayeurs qui nettoyaient les abords de l'amphithé‚tre et, surtout, on guettait les convois d'animaux qui étaient regroupés à l'ouest. Un jour, c'étaient des tigres qui traversaient Rome dans des cages posées
    1. C'est Jules César qui, en 46 avant J.-C., offrit au peuple la premiére grande naumachie dans un bassin creusé au Champ de Mars.
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    sur des chariots, ceux qui avaient naguére transporté les briques et le travertin. Un autre jour, des éléphants qui marchaient à la queue leu leu sous la surveillance de leurs cornacs. quelques Romains qui s'étaient levés tôt virent même des rhinocéros qui semblaient bien prés de briser les barreaux de leur cage.
    Le 3, Titus en personne vint s'assurer que tout était fin prêt pour le grand jour. Il était radieux, tenait par le bras Celer qui lui servait de guide et répétait combien il regrettait que Vespasien, le pére de l'amphithé‚tre, ne f˚t plus là pour inaugurer son úuvre.
    - Te rappelles-tu, dit-il, le jour o˘ il s'est assis sur le podium ? Je crois qu'il savait qu'il ne verrait pas les gradins pleins d'une foule en délire qui l'acclamerait.
    Titus demanda ensuite à admirer d'un peu loin l'immense anneau de pierre pour juger de l'effet extérieur :
    - De ma litiére, je n'ai rien vu en arrivant, dit-il.
    Ce fut pour César l'occasion de prendre un de ces bains de foule qu'il aimait. Il répondit aux saluts, remercia ceux qui criaient " Titus, Titus "
    à son passage et s'arrêta au pied du colosse de bronze doré qui avait autrefois célébré Néron et qui, maintenant, personnifiait le soleil :
    - Mon pére a eu raison de le garder, dit-il. Il a sa place prés de l'amphithé‚tre Flavien1 ! Mais je vois qu'on finit d'installer les statues sous chacun des arcs. Je trouve qu'elles parachévent bien le monument.
    - Hélas ! Aprés-demain seules celles du second ordre seront en place. Les sculpteurs n'ont pas réussi à livrer à temps la totalité des cent quatre-vingts statues !
    - Ce n'est pas grave. Tu as accompli un miracle, Celer, en construisant ce gigantesque monument en si peu de temps. Je t'en suis trés reconnaissant.
    Le lendemain, l'architecte, accompagné de Rabirius et d'Attius Felicianus, le curator qu'il n'aimait toujours pas mais auquel il s'était habitué par nécessité, passait une
    1. C'est la statue géante de Néron qui, au Moyen Age, donnera son nom de Colosseo à VAmphiteatrum Flaviwn.
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    derniére fois en revue l'édifice presque désert puisque la grande majorité
    des ouvriers en étaient partis.

    - Comment allons-nous vivre sans la préoccupation quotidienne du chantier ?
    questionna