Les dîners de Calpurnia
n'y a plus d'homme dans la maison. Je te demande de rester. La chambre du fond t'attend. Demain nous devons parler tous les deux de la succession de Celer. Il n'était pas, tu le sais, qu'un artiste. Il y a l'atelier, des carriéres, des réserves de matériaux à Ostie... Son idée était que tu prennes un jour sa succession comme il avait pris celle de Sevurus. Eh bien, cela se fera, malheureusement plus tôt que prévu.
Une nouvelle vie commençait au Vélabre qui, dans l'esprit de Calpurnia, devait demeurer le centre créatif de l'architecture impériale. Femme de volonté, elle avait décidé qu'il s'agissait d'une mission sacrée.
La cinquiéme heure
Cocceius Rabirius avait abandonné sa chambre d'une insula neuve mais sans confort de l'Argiléte pour s'installer dans la maison du Vélabre. Non sans raison, Cal-purnia lui avait assuré que, s'il voulait briguer des commandes officielles, il devait habiter la maison o˘, depuis Sevurus, battait le cúur de l'architecture impériale :
- Personne n'ira te chercher dans ton quartier. Tu dois profiter du renom qui s'attache au Vélabre. Tu y gagneras en plus un confort agréable, et moi, je ne serai plus seule. Cette maisofi a besoin d'un homme !
Rabirius avait hésité. Habitué à la solitude, il craignait de perdre son indépendance.
- Pourquoi ne demandes-tu pas à Martial de loger chez toi ? Tu le connais depuis beaucoup plus longtemps que moi...
- J'adore Martial mais pour rien au monde je ne lui offrirais de vivre sous mon toit : son esprit, savoureux le temps d'une soirée, me serait vite insupportable. Et puis, il n'est pas architecte !
Comment résister aux arguments persuasifs d'une femme telle que Calpurnia ?
Rabirius avait vite rangé ses rares vêtements dans la chambre du fond et, finalement, s'en trouvait bien. Il s'était demandé un moment si l'expression de Calpurnia, " il faut un homme dans la maison " ne cachait pas d'autre dessein mais rien dans
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l'attitude de la jeune femme n'accréditait une telle supposition. Et puis, même si cela était, la perspective d'une intimité plus secréte ne lui était pas désagréable : il était bien obligé de reconnaître que la beauté de Calpurnia, son intelligence et son tempérament combatif lui avaient toujours inspiré de l'admiration. Mais il s'en voulut de ces pensées inconvenantes envers une femme qui avait perdu un mari aimé auquel il devait tant et se jura de ne modifier en rien les relations amicales et retenues qu'il avait entretenues jusque-là avec Calpurnia.
Rabirius, pourtant, ne tarda pas à se morfondre. Aucun signe ne lui était venu du Palatin depuis la mort de Celer, que ce soit pour les derniéres finitions de l'amphithé‚tre ou pour la construction de nouveaux thermes, un projet auquel Titus tenait beaucoup.
- Pourquoi ne vas-tu pas voir le curator ? demanda Calpurnia.
- Nous n'avons jamais entretenu de bons rapports avec lui et je ne veux rien lui demander. D'ailleurs, ce n'est pas lui qui décide.
- Dans ce cas je vais intervenir directement auprés de l'Empereur. Il m'a dit lors de l'inauguration que je ne devais pas hésiter à m'adresser à lui si j'avais besoin de la moindre chose. Eh bien, j'ai besoin que le Vélabre revive ! Pline ou Tacite se feront un plaisir de lui remettre la lettre que je vais lui écrire.
- Calpurnia, tu es une femme extraordinaire ! J'admire ton énergie !
- Mes priéres m'aident beaucoup. Elle sourit et ajouta :
- Mon petit Rabirius, tu ne me connais pas encore ! Mais, au fait, te sens-tu capable de diriger des travaux ?
- Oui, à condition que je puisse garder les collaborateurs de Celer qui nous ont aidés à b‚tir l'amphithé‚tre. quand on a réussi une úuvre pareille, le reste paraît plus facile.
C'est ainsi que Rabirius, soutenu par la vaillante dame 213
du Vélabre et par tout l'atelier, se vit confier la construction des thermes de Titus.
L'Empereur était alors à son apogée. Les cent jours de l'ouverture de l'aréne géante avaient été une fête continuelle et ce cadeau lui valait la reconnaissance du peuple et le respect d'un Sénat qu'il avait purgé de tous ses personnages douteux. Il y avait bien le souvenir douloureux de Bérénice, le grand amour de sa vie. La rupture s'était, certes, consommée d'un commun accord mais la blessure laissait des traces. Il ne pouvait oublier sa rencontre à Antioche. Tout de suite, il avait été séduit par la reine des Juifs de Chalcis. Et elle aussi avait été
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