Les dîners de Calpurnia

Celle-ci ne parlait jamais sans raison et, s'il ne répondit pas sur-le-champ, il se promit d'y réfléchir un peu plus tard, lorsqu'il serait couché.
    La semaine suivante, Rabirius fut prié de se rendre au Palatin. L'Empereur souhaitait l'entretenir de ses travaux. Cette visite était pour lui une épreuve. Il n'avait pas
    l'habitude de rencontrer de hauts personnages et il demanda à Calpurnia ce qu'il devait faire et ce qu'il devait dire lorsqu'il serait en face de César.

    - Pour Vespasien ou Titus je t'aurais répondu d'être simple puisque eux-mêmes l'étaient, de ne pas les flatter ostensiblement car ils détestaient les flagorneurs. Domi-tien, je ne le connais pas. On le dit religieux parce qu'il s'entoure de cohortes de prêtres attachés aux dieux les plus renommés. Ainsi existe-t-il un collége de prêtres flaviens, et d'autres aussi voués à Junon ou à Minerve. Ah ! ne t'étonne pas s'il te reçoit vêtu d'une toge pourpre à la grecque et coiffé d'une couronne d'or à l'effigie de Jupiter, de Junon et de Minerve. En fait, je n'ai qu'un conseil à te donner : écoute-le avec une attention respectueuse et répond simplement aux questions qu'il te posera. S'il te convoque, c'est pour te signifier ce qu'il veut, pas pour savoir ce que tu penses. Appelle-le " divin César " et parle le moins possible.
    Aprés ce tableau peu engageant, Rabirius fut étonné de découvrir un empereur plutôt aimable, vêtu, certes, d'une façon voyante mais qui parlait avec discernement de l'architecture et des monuments dont il voulait marquer son régne.
    - Je viendrai voir les travaux, dit-il, mais on m'a déjà affirmé que le b
    ‚timent s'annonçait bien. Es-tu fier d'être l'architecte de Domitien ?
    Rabirius pensa que l'Empereur e˚t été bien surpris de l'entendre répondre par la négative et jugea que c'était le moment de l‚cher son premier "
    divin César ".
    - Sais-tu pourquoi je t'ai choisi ? demanda Titus.
    - Parce que je suis l'éléve de Celer, lui-même fils de Sevurus, et que j'ai contribué à la réussite du monument le plus grand du monde, qui perpétuera durant des siécles le nom des Flaviens.
    - Parfaitement. L'amphithé‚tre est magnifique. Mon pére était un visionnaire. Son úuvre ne sera jamais égalée. Mais ne trouves-tu pas qu'il apparaît un peu tassé et gagnerait à prendre de la hauteur ?
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    - Souvent, divin César, nous avons dit cela avec Celer.
    - Pense donc à le surélever et soumets-moi le projet. Ce sera ma contribution à l'édifice familial. J'aimerais que cet étage permette d'accueillir un plus grand nombre de spectateurs. Cette nouvelle tribune sera réservée au petit peuple, écarté, faute de place, des fêtes et des combats. J'ai encore beaucoup d'autres projets dont celui d'élever un nouveau palais impérial sur le Palatin, mais nous en parlerons plus tard.
    Il faut d'abord finir les thermes.
    - ... Et l'amphithé‚tre. Toutes les statues ne sont pas encore posées et il reste de nombreux joints à refaire. Dois-je pour ^es crédits de ces travaux voir le curator Felicianus ?
    - Non, ce fonctionnaire obtus m'ennuyait, je l'ai chassé. Tu verras l'affranchi Lucius. C'est un excellent financier qui ne dépense pas inconsidérément l'argent du Trésor.
    Il rit et quitta la piéce sans ajouter un mot. Rabirius en déduisit que l'entretien était terminé et rentra satisfait au Vélabre o˘ Calpurnia l'attendait, impatiente de savoir comment s'était déroulée l'entrevue du tendre créateur et du terrible César.
    - Tout va bien ! s'écria-t-il. Je suis l'architecte officiel de Domitien et j'ai du travail pour dix ans.
    Calpurnia se précipita, appuya sa tête contre son épaule et dit :

    - Je suis heureuse, heureuse ! Embrasse-moi ! Comme il lui baisait dévotement le front elle murmura :
    - Je te demande de m'embrasser vraiment ! A moins que tu ne veuilles pas de moi...
    Ils restérent longtemps enlacés puis Calpurnia dit :
    - Viens, nous allons dîner, il fait encore bon dans le jardin. Aprés tu m'inviteras dans ta chambre. Il y a si longtemps que j'ai envie de dormir avec toi.
    Ainsi commença, un an aprés la mort de Celer, la nouvelle vie amoureuse de l'ardente Calpurnia. Elle avait
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    beaucoup réfléchi avant de jeter son dévolu sur Rabirius, plus jeune qu'elle de trois ans et que les choses de l'amour ne semblaient guére tourmenter. Mais le jeune homme n'avait cessé de s'affirmer et, à mesure qu'il prenait de l'assurance, elle lui