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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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commençaient à
arrêter les gens dans les rues.
    Ils avaient une liste et Shmiel était dessus, m'avait
dit un jour mon cousin Elkana. De qui l'avait-il appris, c'est impossible à
savoir désormais. Cela ne pouvait manquer d'être la même liste que celle dont
parlait Bob à présent. Et pourtant j'étais à peu près sûr que Shmiel n'avait
pas été pris au cours de la première Aktion. Tante Miriam, en Israël,
avait écrit, il y a bien longtemps, qu'elle avait entendu dire que Shmiel
n'avait pas été tué avant 1944, en même temps qu'une de ses filles, après
qu'ils avaient rejoint les partisans ; mon frère Matt était tombé, lors de
cette réunion de survivants de l'Holocauste, sur cet homme qui, comme le
faisaient souvent les artisans, avait utilisé le nom de Shmiel parce que ce
dernier était mort. Et Jack, au cours de notre première conversation
téléphonique, un an plus tôt, m'avait dit qu'à sa connaissance seule Ruchele
avait été arrêtée au cours de cette première Aktion. J'avais donc conclu
que Shmiel, s'il avait figuré sur cette liste ( très probablement, a dit
Bob), n'était pas chez lui, ce jour-là, quand les Allemands et les Ukrainiens
étaient venus frapper à sa porte.
    Les gens à Bolechow me prennent pour un homme riche, s'était-il
vanté dans une de ses lettres. Peut-être que c'était vrai et, au bout du
compte, cela ne lui avait pas rendu service.
    Le jour où nous avons parlé à tous ces anciens de Bolechow,
j'ai voulu savoir comment il se faisait que Ruchele avait été arrêtée.
    La malchance, a dit Jack, l'air songeur. Vous comprenez, il
y avait quatre filles qui étaient des amies très proches. Il y avait Ruchele et
les trois autres. Sur les quatre, trois ont péri ce jour-là. J'imagine qu'elles
s'étaient retrouvées quelque part – qu'elles s'étaient donné rendez-vous,
et elles ont été arrêtées et emmenées.
    Pendant qu'il parlait, j'ai pensé à la photo de Ruchele que
j'avais : une grande fille blonde, au large sourire, avec les cheveux ondulés
des Mittelmark qu'elle avait hérités de sa grand-mère, les cheveux que j'avais
quand j'étais adolescent. Une fille gentille, une fille adorable, une fille
« placide », m'avait dit Jack. En octobre 1941, elle avait seize
ans...
     
     
    Mais cela vient plus
tard. Ce que je voulais savoir pour le moment, c'était comment était cette
fille avec qui cet homme, mon interlocuteur de soixante-dix-huit ans
aujourd'hui, était sorti pendant un an et demi, soixante-quatre ans plus tôt.
Boris, lorsque je lui avais demandé comment était Shmiel, m'avait répondu qu’ il
était boucher. C'était ma faute, je le savais, si je n'avais pas préparé
les bonnes questions, si je n'avais pas été capable de prévoir qu'il était
impossible d'apprendre quoi que ce fût sur quelqu'un en demandant simplement, Et
il était comment ? Bien sûr, il n'avait peut-être pas grand-chose à dire :
si quelqu'un me demandait, aujourd'hui, de décrire un de mes voisins qui vivait
en face de chez moi, il y a quarante ans, je ne serais pas sûr de pouvoir dire
autre chose que Il était ingénieur, Ils étaient très gentils. Alors à
quoi pouvais-je bien m'attendre ? Et Mme Grossbard, qui avait des souvenirs
bien plus précis, s'était montrée trop protectrice de ses souvenirs de Frydka
pour pouvoir les partager librement. C'était ce qui expliquait, je le savais,
la raideur et la rétention que j'avais ressenties dès le début. Et depuis que
le sujet de Frydka et de Ciszko Szymanski avait été abordé, elle m'avait en
quelque sorte fermé la porte au nez, suspicieuse de mes mobiles, se méfiant à
juste titre du fait que mon désir de découvrir une histoire, une sorte de drame
pour animer les vies impossibles à connaître de ces gens, me pousserait à faire
de la Frydka qu'elle avait connue une caricature ou un chiffre.
    J'avais donc échoué jusqu'à présent à redonner vie aux
disparus. Mais Jack, je le sentais, serait en mesure de saisir ce que je
désirais ; il s'agissait seulement de trouver le bon moment pour parler. Jack,
qui peut être péremptoire dans la conversation, est néanmoins très courtois,
d'une manière presque désuète. Il ne coupe jamais la parole et il s'est
toujours empressé de s'excuser chaque fois qu'il s'est aperçu d'une erreur de
sa part à propos d'un nom ou d ' une date (dans la mesure où Mme Grossbard
n'a jamais commis d'erreur, à ma connaissance, je n'ai jamais eu l'occasion de
la voir

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