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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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Jejger ») est
manifestement erronée, depuis l'orthographe des noms jusqu'aux noms des parents
(« Shmuel léger est né à Bolchow, en Pologne, en 1895, fils d'Elkana et de
Yona », erreur qui, ai-je pensé lorsque j'ai lu cela pour la première
fois, efface mon arrière-grand-mère Taube Mittelmark de l'histoire, et avec
elle les tensions entre frère et sœur qui ont peut-être eu pour résultat la
décision de Shmiel de quitter New York en 1914 pour rentrer à Bolechow,
décision qui l'a conduit à figurer dans cette archive erronée), en passant par
les années de leur naissance et de leur mort. Mais à moins d'avoir, comme moi,
un intérêt personnel pour les quelques faits qui peuvent être connus à leur
sujet, vous ne sauriez jamais que l'information concernant ces six personnes,
que vous avez été si content de trouver dans la banque de données de Yad
Vashem, est presque entièrement fausse et vous ne vous seriez aperçu de rien.
    J'ai donc l'habitude de ces divergences entre les faits et
leur « enregistrement », et cela ne me dérange plus beaucoup. Mais je
vois combien cela peut troubler certains.
    En tout cas, comme Bob me l'a rappelé, sur les choses
importantes tout le monde était d'accord. Des choses terribles se sont
produites au cours de la seconde Aktion.
     
    BOB m'a
raconté par la suite que son père, Jack et lui avaient survécu à la
seconde Aktion parce que son père, chef du Judenrat, avait reçu des
avertissements ; et parce que, après la première Aktion, ils avaient
construit une cachette.
    Nous étions cachés, m'a-t-il dit lorsque nous avons parlé en
privé tous les deux, parce que nous avions construit un faux mur dans l'étable.
Il avait été construit par un charpentier juif après la première Aktion. Nous
étions au courant parce que, quelques semaines auparavant, il y avait eu des Aktionen dans d'autres villes de la région. Et la veille de l’Aktion à
Bolechow, la seconde, mon père est rentré et a dit : « Demain, ça
commence. » Nous sommes donc allés nous cacher pendant la nuit ou aux
premières heures du jour, avant que tout commence dans les rues de la ville.
Ils sont entrés dans les maisons, les unes après les autres, ils ont attrapé
des Juifs dans les rues, dans les champs. Puis, ils les ont emmenés à la gare
et entassés dans les fourgons à bestiaux, et expédiés à Belzec. Et Belzec était
un camp d'extermination –  uniquement un camp d'extermination.
    Il savait que je savais ce que cela voulait dire. A Belzec,
on descendait du train et on entrait dans les chambres à gaz.
    La perquisition dans les maisons, la traque des Juifs dans
les rues et dans les champs : les Grunschlag n'avaient rien vu de tout cela,
bien sûr. Je me suis souvenu de Jack disant, Si j'avais été témoin, j'aurais
été mort, moi aussi. Et pourtant, à cause d'un accident géographique
particulier, les Grunschlag ont eu une certaine connaissance des informations
qui ont circulé pendant les trois jours de la seconde Aktion.
    Nous les avons entendus les conduire jusqu'au train, a dit
Bob, parce que nous habitions dans la rue qui menait à la gare. Quand on suit
la rue Dolinska, on tourne à droite pour aller à la gare. Et ils les emmenaient
le long de cette rue jusqu'aux fourgons à bestiaux. Nous avons donc entendu
l'agitation, les cris et les pleurs, et tout. Quand ça a pris fin, nous sommes
sortis de notre cachette, et vous pouvez imaginer l'ambiance qui régnait.
    Non, en fait : je ne pouvais pas. Et je ne peux toujours
pas. J'ai essayé bien des fois d'imaginer, de projeter ce qu'a pu être
l'expérience d'Oncle Shmiel, d'Ester et de Bronia au moment où ils étaient
emmenés, poussés ou traînés hors de la maison à un étage, peinte en blanc, dans
la rue Dlugosa, la maison que Shmiel avait remise en état quand il y avait
emménagé, et lorsqu'ils avaient été ensuite contraints de parcourir la brève
distance qui les séparait de la cour de la mairie – contraints de
parcourir la brève distance et puis d'attendre là pendant des jours, jusqu'à ce
qu'on les fasse marcher jusqu'au train, cette fois. Dans les mémoires de Jack
et de Bob demeurent des souvenirs concrets des bruits, les plaintes, les
gémissements, les cris des deux mille Juifs de Bolechow qui ont survécu aux
premiers jours de l' Aktion et sont allés jusqu'à la gare ; mais ces
souvenirs et ces bruits, il est impossible pour moi de les imaginer parce que
je n'ai jamais entendu le bruit

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