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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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ce que nous avons trouvé dans la
Nouvelle Section juive.
    Ou, devrais-je dire, par ce que nous n'avons pas trouvé. Les
yeux écarquillés, nous avons passé le portail très élégant, plutôt Art déco, de
cette nouvelle partie du Zentralfriedhof, dont le motif stylisé d'arches
vaguement mauresques était repris, à une échelle gigantesque, dans le dôme de
la Zeremonienhalle de la Nouvelle Section juive, la salle de Cérémonie de la
société de pompes funèbres du cimetière (cette société est connue sous le nom,
en hébreu, de Chevra Kadisha et, traditionnellement, ce sont les membres
de la Chevra Kadisha dans une communauté juive donnée qui lavent et
préparent les corps juifs pour l'enterrement : le rite qui avait été spécifié
par mon grand-père dans les instructions qu'il m'avait dictées, le matin de cet
été lointain). Le complexe de la Zeremonienhalle du cimetière de Vienne, je
l'ai appris par la suite, avait été conçu et construit entre 1926 et 1928 par
le prolifique architecte Ignaz Reiser, Juif viennois né en Hongrie, dont chaque
bâtiment public, depuis la synagogue de 1912-1914 dans une rue appelée
Enzersdorferstrasse jusqu'à la Zeremonienhalle, est signalé, dans l'annuaire
d'architecture en langue allemande que j'ai consulté après avoir vu ce
remarquable complexe du cimetière, comme étant zerstört : «  détruit ».
Alors que nous passions devant la Zeremonienhalle, qui était, je ne m'en
rendais pas compte alors, une reconstruction, une restauration d'un édifice qui
avait été incendié le soir du 8 novembre 1938, et marchions en direction
des tombes proprement dites, le panorama qui nous a accueilli était celui d'un
grand vide. Car de ce vaste terrain qui avait été acheté par les Juifs de
Vienne dans les années 1920 pour la nouvelle section du cimetière, une fois que
l'ancienne section avait été surpeuplée par les morts de cette florissante
communauté, seule une petite portion était occupée par des tombes. A côté de
ces tombes (presque aucune d'entre elles, avons-nous remarqué en y circulant,
ne porte de dates postérieures au début des années 1930), se déployait une
vaste prairie vide. Nous l'avons regardée fixement pendant un moment, avant de
comprendre que la Nouvelle Section juive était en grande partie vide parce que
tous les Juifs qui auraient dû être enterrés là, selon le cours normal des
choses, étaient morts dans des circonstances qu'ils n'avaient pas prévues et
s'ils avaient été enterrés, l'avaient été dans d'autres tombes moins élégantes
qu'ils n'avaient pas choisies. Quand nous pensons aux terribles ravages
produits par un certain type de destruction pendant les temps de guerre, nous
pensons normalement au vide des endroits qui étaient autrefois pleins de vie :
les maisons, les boutiques, les cafés, les parcs, les musées, etc. J'avais
passé pas mal de temps dans les cimetières, mais il ne m'était pourtant jamais
venu à l'esprit, avant cet après-midi dans le Zentralfriedhof, que les
cimetières, eux aussi, pouvaient être vidés de leur vie.
    C'est ce à quoi, en tout cas, nous a conduits la recherche,
voulue par Froma, de la tombe du grand sioniste Theodor Herzl. Nous n’avons
jamais trouvé la tombe elle-même et je suppose que seule Froma s'en est sentie
frustrée, car pour moi ce que nous avions vu, ou plutôt n'avions pas vu, dans
la Nouvelle Section juive, c'était bien assez.
    De Vienne, j'ai envoyé à Mme Begley une carte postale des
opulents palais des Habsbourg. Vienne est toujours belle, ai-je écrit, mais
toujours pas de Juifs – même morts. Elle a aimé celle-là aussi.
    C'est le lendemain de notre visite au Zentralfriedhof que
nous sommes partis pour le pays qu'avait engendré Herzl.
     

     
    Dans l'appartement d'Anna Heller Stern, qui était l'amie de Lorka, il faisait frais
et sombre. Les stores étaient baissés pour protéger du soleil d'été, lequel
était si fort qu'il faisait l'effet d'être presque fluorescent. Les meubles
étaient confortables mais rares : un sofa bas, une paire de fauteuils
contemporains autour d'une table basse. Avec la décoration minimaliste de la pièce, la fraîcheur des sols nus et la pénombre quasi
subaquatique, l'impression d'ensemble que j'avais eue en passant le seuil de
l'appartement d'Anna était un agréable soulagement que j'avais parfois ressenti
lorsque, pour échapper à la chaleur d'un après-midi d'été passé à copier des
inscriptions dans des

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