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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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désintégré, après qu'un nationaliste serbe,
Gavrilo Prinzip (qui, de toute évidence, n'était pas heureux d'appartenir à ce
patchwork), a assassiné le descendant de Marie-Thérèse, l'archiduc
François-Ferdinand, héritier du trône du très vieux François-Joseph, Yossele, un jour de juin 1914, provoquant ainsi le premier des ultimatums qui
allaient conduire, aussi rapidement et inévitablement que s'effondrent des
dominos, au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Et je dois dire que,
lorsque j'ai visité le camp et les divers musées qui se trouvent sur le site à
présent, par une journée pluvieuse de juin 2003, que Froma et moi marchions à
travers les baraquements reconstruits, le musée du ghetto, nous attardions sur
les œuvres d'art poignantes faites par les enfants du camp pendant le régime
nazi, la chose qui m'a le plus ému, qui a eu la plus profonde résonance en moi,
a été de comprendre que, dans une des vieilles cellules de cette prison
fortifiée d'autrefois – une minuscule cellule aux murs épais dans laquelle
je suis entré brièvement avant d'être submergé, comme cela m'arrive souvent
(par exemple, dans les ascenseurs et dans les petits espaces souterrains), par
la claustrophobie –, Gavrilo Prinzip avait été incarcéré, après
l'assassinat de l'archiduc. Il y était mort peu de temps après. Je suis resté
là, étrangement ému par ce rappel inattendu et très concret du crime qui avait
déclenché le premier massacre phénoménal du siècle, et alors que je le
ressentais, je me suis senti gêné que ce fût cela, plus que tout autre chose,
qui m'eût affecté d'une manière ni générale ni abstraite. C'est seulement après
être resté là un moment à réfléchir que j'ai compris que la raison pour laquelle
j'étais tant ému, en découvrant cette trace de Gavrilo Prinzip et de son crime,
non recherchée par moi ou par n'importe quel autre visiteur ce jour-là, tous
étant avides d'obtenir des informations sur l'Holocauste, c'était qu'elle
m'avait permis de faire un saut dans le temps jusqu'à l'Autriche-Hongrie de
l'enfance et de 1'adolescence de mon grand-père, jusqu'à ce moment disparu,
jusqu'à 1'époque où le pire désastre politique pour les Juifs de Bolechow avait
été en fait l'assassinat de l'héritier de leur empereur bien-aimé et le début
de la guerre qui, ils en étaient sûrs, serait la pire qu'ils eussent jamais
vue.
    Nous avons donc vu aussi Theresienstadt. Depuis le site
Internet de Theresienstadt, on peut envoyer à ses amis des cartes postales
électroniques arborant la salutation arbeit
macht frei . La carte postale que j'ai adressée de Prague à Mme Begley
était simplement une vue assez gaie de Josefov, le vieux pittoresque qui est
maintenant une destination touristique. Prague est magnifique, ai-je
écrit, nous avons visité aujourd'hui le quartier juif. Pas un Juif en vue. Compte
tenu de son sens de l'humour un peu caustique, je supposais qu'elle
apprécierait mon humour noir, et j'avais raison. Très drôle, m'a-t-elle dit sur
un faux ton de reproche lorsque je suis allé la voir au retour de mon voyage
d'un mois à Prague, Vienne, Tel-Aviv, Vilnius et Riga. Nous étions assis dans
son appartement et je faisais le récit de mes diverses aventures. Elle a brandi
les cartes postales que j'avais envoyées. Vous voyez ? J'ai reçu toutes vos
cartes. Elle a fait signe à Ella de nous verser un peu plus de thé glacé ;
il faisait chaud dans la salle de séjour parce que, en dépit du fait que
c'était la fin du mois de juillet, elle avait éteint la climatisation. Je ne
peux rien entendre quand elle est allumée, avait-elle dit, en regardant
l'appareil avec un air furieux depuis la reproduction de bergère à haut dossier
dans laquelle elle aimait s'asseoir, au coin de la salle de séjour, un fauteuil
qui ressemblait vaguement, avais-je toujours pensé, à un trône, même si cela
avait moins à voir avec le fauteuil en soi qu'avec sa posture qui était
parfaitement rigide, jusqu'à une date récente : elle était perchée sur le bord
du siège, parfois appuyée sur une canne, et son œil à moitié fermé m'évaluait,
et elle écoutait mes histoires, secouant un peu la tête de temps à autre
seulement, soupirant que j'étais trop sentimental, faisant un geste agacé en
direction des fleurs que j'avais apportées, qu ' Ella avait placées sur la
table basse et que Mme Begley avait écartées d'une main tordue parce que
c'était de

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