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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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émouvants, que j'entendais sur mes parents morts
depuis longtemps. Viens prendre des fraises ! Il était sourd ! Un
papillon !
    Shlomo écoutait ce qu'Anna disait, penchée vers moi dans ce
mouvement de confidence, et il s'est ensuite adressé à moi.
    Elle a dit que lorsqu'ils se sont fait prendre, Ciszko a
déclaré, Si vous la tuez, alors vous devriez me tuer aussi !
    Pendant un instant, plus personne n'a rien dit. Je savais,
bien entendu, que Frydka avait inspiré bien plus qu'une amourette. Ce garçon
a payé de sa vie pour ça, avait dit Jack à Sydney. Mais c'était vraiment
quelque chose que d'entendre à présent la ferveur, la bravade juvénile, des
derniers mots de ce garçon. Si vous la tuez, alors vous devriez me tuer
aussi ! Et ils l'ont tué. Là-dessus, tout le monde était d'accord,
même s'il allait me falloir encore deux ans pour découvrir comment exactement.
    J'ai dit, Comment sait-elle tout cela ?
    Shlomo et Anna ont parlé, puis il m'a dit, Elle en a entendu
parler par son cousin, qui était à Kfar Saba, mais qui est maintenant à Haïfa.
Il avait été en Russie, mais lorsqu'il est revenu, il est allé vivre à Bolechow
juste après la guerre. C'est un de ceux qui ont construit le mémorial à
Taniawa. Il savait donc beaucoup de choses – quand, comment, où les choses
se sont passées. Ils ont parlé, vous savez, ceux qui sont revenus, ils ont
parlé après la guerre, juste après la guerre, ils ont parlé aux Ukrainiens.
    Shlomo s'est interrompu, puis il a dit, à moi seulement, Il
y a tant de choses que je n'ai pas demandées... que je n'ai pas demandées. Vous
savez, je me pose des questions... Aujourd'hui, je veux-en savoir plus que je
ne voulais en savoir à l'époque.
    Il a repris son souffle et il est revenu au sujet du cousin
d'Anna, qui avait entendu parler des derniers mots de Ciszko Szymanski. En
parlant de lui, Shlomo a répété, Il savait des choses, il savait beaucoup de
choses et c'est ce qu'il avait entendu dire.
    Qu'est devenu ce cousin ? ai-je demandé. J'étais excité tout
à coup : s'il était à Haïfa, je prendrais le train pour aller lui parler,
peut-être y avait-il d'autres détails dont il se souvenait.
    Il y a eu un échange assez long entre Shlomo et Anna. Puis,
Shlomo s'est tourné vers moi. Il a dit, Elle pense qu'il n'a plus les idées
très claires. Elle a dit qu'il lui avait parlé au téléphone récemment et qu'il
disait à Anna : « Je viens de parler avec ma cousine » ; et Anna a
demandé : « Quelle cousine ? » ; et il a répondu : « Anna »
; et elle a dit : « C'est moi, Anna. »
    Je ne parlerais donc pas au cousin.
    Pendant tout ce temps, je pense que mes émotions avaient été
assez transparentes : le détail émouvant à propos du sort de Ciszko et de
Frydka (si c'était vrai) et, plus encore, d'une certaine façon, le fait qu'il y
avait une variante importante de l'histoire que j'avais entendue en Australie,
de l'histoire du sort de Shmiel telle qu'elle m'avait été racontée par les
quatre anciens de Bolechow à Sydney, qui étaient absolument convaincus que
Shmiel avait été arrêté, avec sa femme et la benjamine de ses filles – la
plus jeune, vraiment – au cours de la seconde Aktion, et qu'ils avaient
péri à Belzec. Il m'a fallu un moment pour démêler les émotions qu'a produites
ce brusque déplacement des suppositions que j'avais faites. D'un côté, c'était
déconcertant : je commençais à prendre conscience de la fragilité de chaque
histoire que j'avais entendue ( Écoutez, devait me dire quelqu'un,
beaucoup plus tard, comment quiconque a survécu peut savoir avec certitude ?
C'est toujours ce que quelqu'un leur a dit. Ils n'y étaient pas. S'ils ont
survécu, c'est qu'ils étaient cachés au moment où c'est arrivé...). De
l'autre, j'éprouvais l'étrange état d'exaltation ressenti quand on est
confronté à une histoire ou à des mots croisés particulièrement difficiles mais
stimulants. Qu'était-il donc arrivé à Oncle Shmiel ?
    Mon visage devrait trahir mes sentiments. Du sehst ? a
dit Anna, son regard doux posé sur mon visage, avec ce sourire délicat,
réservé, sur ses lèvres. Ich veyss ailes.
    Tu vois ? Je sais tout.
     
     
    Finalement, nous en sommes
venus à regarder la photo de Lorka.
    J'ai une photo de Lorka, lui ai-je dit. C'était au sujet de
Lorka que j'étais venu m'informer, bien que l'essentiel de notre conversation
et les plus vivaces de ses souvenirs aient été consacrés à

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