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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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avait la boulangerie. Je connaissais le père, avait-elle
ajouté, sachant que je devais connaître le fils dans un contexte entièrement
différent. Puis elle avait poussé un plat de porcelaine blanche sur la nappe
dans ma direction et dit, Prenez un autre petit gâteau, vous croyez que
c'est moi qui vais les manger ?
    Regardez ! s'est soudain écrié Shlomo. Il pointait le
doigt vers une silhouette qui marchait à côté d'un chameau. Les
Bédouins !
    Nous ne sommes vraiment pas à Bolechow, ai-je plaisanté. Je
pensais à ma grand-mère en 1956, avec un chameau et un Arabe.
    Il m'a demandé de lui parler plus en détail des interviews
que j'avais faites en Australie. Pendant que je lui racontais, aussi bien que
je pouvais m'en souvenir, chacune de mes longues conversations avec chacun, il
a hoché la tête lentement, se délectant de chaque histoire, de chaque fait,
même si c'étaient des histoires et des faits qu'il connaissait déjà très bien
lui-même. A un moment donné, je lui ai demandé s'il avait jamais entendu parler
de l'histoire dont ma mère avait eu écho, il y avait tant d'années : Ils
avaient quatre filles magnifiques, ils les ont toutes violées et ils les ont
tuées. Où avait-elle entendu ça ? avais-je l'habitude de me demander. Mais
lorsque j'avais finalement posé la question, ma mère avait dit, Je ne me
souviens plus, il y avait tant d'histoires horribles, je faisais des cauchemars
constamment. Donc, alors que Shlomo et moi arrivions à proximité de Beer Sheva,
je lui ai demandé ce qu'il pouvait savoir, ce dont il avait peut-être entendu parler.
Personne en Australie n'avait donné de détails, lui ai-je dit au milieu du
désert qui grésillait autour de nous. Il a fait une petite grimace et haussé
tristement les épaules. Tant de choses horribles ont eu lieu pendant les Aktionen, a dit Shlomo, ce n'est pas impossible, bien sûr. Peut-être. Mais en avoir
la certitude, c'est impossible pour autant que je sache.
    J'ai hoché la tête, mais je n'ai rien dit. Peut-être
valait-il mieux ne pas connaître certaines choses.
    Après un silence, il a dit, Vous savez que Régnier aussi
était là-bas, en Australie ?
    Anatol Régnier était l'auteur de Damais in Bolechow, le
livre qui racontait comment Shlomo et son cousin Josef, Jack et Bob, et les
autres, avaient survécu. J'ai pensé à Meg Grossbard, me racontant combien elle
avait trouvé étrange qu'un Allemand, un jour, l'appelle pour lui demander de
parler de Bolechow ; et comment elle avait refusé de lui parler, refusé de
laisser l'histoire être écrite.
    Oui, ai-je répondu à Shlomo, je sais qu'il est allé là-bas.
Et puis, poursuivant la pensée non dite qui m'avait traversé l'esprit, j'ai
dit, avec un demi-sourire, C'est différent d'écrire l'histoire des gens qui ont
survécu parce qu'il y a quelqu'un à interviewer, et ils peuvent vous raconter
ces histoires étonnantes. En prononçant ces mots, j'ai pensé à Mme Begley qui
m'avait dit, un jour, en me regardant froidement, Si vous n'aviez pas une
histoire étonnante, vous n'auriez pas survécu.
    Mon problème, ai-je poursuivi pour Shlomo, c'est que je veux
écrire l'histoire de gens qui n'ont pas survécu. De gens qui n'avaient plus
d'histoire.
    Shlomo a hoché la tête et dit, Ha, ha, je vois. Vous savez,
a-t-il ajouté au bout d'un moment, ce Régnier, il est allemand, mais il est
marié à une célèbre chanteuse israélienne, une très grande star, Nehama Hendel.
    J'ai dit que j'étais désolé, mais que je n'avais jamais
entendu parler d'elle.
    Elle est très connue en Israël, m'a-t-il dit. Mais elle est
morte, il y a quelques années.
    Il m'est soudain venu à l'esprit de poser une question qui
m'avait trotté dans la tête depuis un certain temps. Mon grand-père, ai-je dit
à Shlomo, avait l'habitude de me chanter deux chansons quand j'étais petit ; je
me demande si c'étaient peut-être des chansons de sa propre enfance, des
chansons que son père ou sa mère lui avaient chantées. Des chansons de
Bolechow.
    C'était comment ? a demandé Shlomo.
    Hé bien, ai-je dit un peu gêné, la première, il avait
l'habitude de nous la chanter au moment où nous allions nous coucher. Et
c'était vrai : quand nous étions petits et que notre grand-père nous rendait
visite, il venait parfois dans nos chambres au moment où on nous mettait au lit
et nous chantait cette chanson, dont les paroles vont sans aucun doute paraître
bizarres, paraître très plates sur la page,

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