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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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Malcia, il m'est venu à
l'esprit que, même si elle était morte à la fin, Frydka avait tout de même eu
de la chance. Elle avait vécu un peu plus longtemps, après tout ; elle avait eu
quelqu'un qui avait essayé désespérément de la sauver, quelqu'un qui était mort
pour elle. Mitziyeh, mazel, ce sont des mots qui ne semblent étranges
que si on les regarde rétrospectivement, un luxe dont Frydka et Ciszko n'ont
pas bénéficié.
    Shlomo m'a dit, Qui aurait pu croire que quelqu'un les
trahirait ?
     
     
    Je veux établir la
chronologie parfaitement, ai-je dit de nouveau, même si je faisais référence,
cette fois, à une Juive en particulier : Frydka. A ce moment-là, elle vivait
dans un des Lager, n'est-ce pas ? Et ensuite...
    Ecoutez, a dit Malcia. Nous avons pu travailler jusqu'en Juni 43.
    Juillet ! s'est exclamé Shlomo. Pas juin,
juillet !
    Et après, les Allemands ont dit qu'ils allaient construire
un nouveau Lager et que tout le monde serait épargné. Mais ils voulaient
seulement mettre tout le monde dans un Lager. Et c'était la fin.
    J'ai hoché la tête. Jack m'avait déjà raconté comment ceux
qui avaient gobé la ruse des Allemands avaient tous été enfermés dans le
nouveau camp et tués. Fusillés, avait-il dit. Des coups de feu.
    Mais à ce moment-là, ai-je continué, au lieu d'aller dans ce Lager, Szymanski a caché Frydka chez lui ? Malcia a hoché la tête. Oui.
    Szymanski la cachait donc chez lui et c'était après juin
1943.
    Autre hochement de tête. Juillet, a dit Shlomo.
    Juillet 1943, ai-je dit. A un moment donné, après juillet
1943, elle était cachée chez lui.
    (Je voulais des détails.)
    Et est-ce que quelqu'un sait où se trouvait sa maison ?
    Comme c'est déjà arrivé quelquefois, j'ai remarqué que ma
syntaxe avait vaguement changé, maintenant que je parlais avec des habitants de
Bolechow.
    Je sais où, a dit Malcia. Pas loin de la maison de Frydka.
Elle se trouvait au début de la rue...
    J'ai sorti la carte de Bolechow que Shlomo m'avait envoyée.
Malcia l'a regardée et a demandé où se trouvait la rue Dlugosa. Puis, elle a
pointé le doigt en poussant un petit cri de victoire.
    Oui ! Voici les Jäger et là...
    (elle a pointé le doigt sur la même rue, mais sur le côté
opposé) ... les Szymanski, au bout de la rue.
    Il vivait donc au coin de la rue, un peu plus loin, ai-je
dit. C'était là qu'elle s'était cachée. A cet endroit-là. Je connaissais
l'histoire à présent ; je voulais maintenant un endroit, un point sur lequel me
tenir, si je retournais un jour à Bolechow.
    Shlomo, Solomon et Malcia parlaient en yiddish et en
allemand de la liquidation des Lager à la fin de l'été 1943
– c'est-à-dire la liquidation de la ville, puisque, à ce moment-là, les
seuls Juifs vivants qui n'étaient pas cachés étaient ceux du dernier Lager. Les
Reinharz étaient alors, je le savais, cachés, immobiles mais en état d'alerte,
dans la salle de divertissements des officiers allemands, le Kasino, au
beau milieu de la ville.
    Am vier und zwanzigsten
August, disait Malcia en allemand,
cette fois. Dann ist meine Schwester gegangen : und jeden Schuss haben wir
gehört.
    Le 24 août. C'est là que ma sœur est partie. Et nous avons
entendu chaque coup de feu.
    Ils se cachaient, m'a expliqué Shlomo, même si je
connaissais déjà l'histoire. Malcia a hoché la tête et m'a dit dans ma langue,
Et chaque, chaque...
    Elle s'est tournée vers Shlomo. Unt yayden shuss hub'ikh
getzuhlt.
    En yiddish, de nouveau. J'ai compris. Et j'ai compté
chaque coup de feu.
    Elle s'est tournée vers moi, mais elle a continué en
yiddish.
    Noyn hundert shiess hub ‘ ikh getzuhlt.
    J'ai compté neuf cents coups de feu.
    Elle s'est tue et puis, elle a dit dans ma langue, Et après
ils sont venus au Kasino pour se laver les mains et pour boire ! J'y étais, je les ai vus ! Ils se sont lavé les mains et ils sont allés boire !
    Shlomo, qui de toute évidence était aussi ému que moi, en
imaginant deux Juifs cachés, tassés dans leur minuscule cachette, incapables de
voir mais comptant, comptant, l'un après l'autre, les coups de feu qui
mettaient fin aux vies de leurs amis et de leurs voisins, s'est tourné vers
Malcia et a dit, Et vous saviez ce qui était en train de se passer ?
    Malcia a pointé l'index sur sa tempe. Elle a dit, Nous imaginions.
     
     
    Moi aussi,
j'imaginais des choses à ce moment-là. Nous étions arrivés vers midi et
il était près de trois heures à

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