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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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que les morts, que Shmiel et Frydka, morts depuis
longtemps et désintégrés, se sont penchés depuis l'éther et nous ont dirigés,
ce jour-là, vers Bolekhiv, puis vers Stepan et Prokopiv, et la maison et les
femmes et la cachette, le trou dans la terre, l'horrible boîte, où ils
s'étaient autrefois accroupis dans le froid et avaient finalement échoué dans
leur tentative de survie. Mais je crois à certaines choses, moi qu'un ami,
parfois en silence et parfois en larmes, avait écouté, une nuit de septembre
2001, juste après mon retour de notre premier voyage en Ukraine, pendant que je
racontais ce que nous avions trouvé là-bas après tant de temps ; avait pleuré
en m'écoutant avant de dire, Je pleure parce que mon grand-père est mort, il
y a deux ans, et qu'il est trop tard à présent pour lui demander quoi que ce
soit ; je croyais et je crois encore, après tout ce que nous avons vu et
fait, que si vous vous projetez dans la masse des choses, si vous cherchez des
choses, si vous cherchez, vous ferez, par l'acte même de chercher, se produire
quelque chose qui, sinon, n'aurait pas eu lieu, vous trouverez quelque
chose, même quelque chose de petit, quelque chose de plus que si vous n'aviez
rien cherché pour commencer, que si vous n'aviez pas posé la moindre question à
votre grand-père. J'avais finalement appris la leçon que m'avaient transmise,
des années après leur mort, Minnie Spieler et Herman le Coiffeur. Il n'y a pas
de miracles, il n'y a pas de coïncidences magiques. Il n'y a que la recherche
et, finalement, la découverte de ce qui a toujours été là.
    Car, avec le temps, tout disparaît : les vies des peuples
désormais éloignés, les vies, auxquelles il peut-être agréable de songer aujourd'hui,
en définitive disparues et impossibles à connaître d'à peu près tous les Grecs,
les Romains, les Ottomans, les Malais, les Goths, les Bengalis, les Soudanais,
les peuples d'Ur et de Kusch, les vies des Hittites et des Philistins qui ne
seront jamais connues, les vies de peuples plus récents que ceux-là, des
esclaves africains et des trafiquants d'esclaves, des Boers et des Belges, de
ceux qui ont été massacrés et de ceux qui sont morts dans leur lit, des comtes
polonais et des boutiquiers juifs, les cheveux et les sourcils blonds et les
petites dents blanches que quelqu'un a autrefois aimés ou désirés chez tel
garçon ou telle fille, tel homme ou telle femme, parmi les cinq millions (ou
six ou sept) d'Ukrainiens qui ont été affamés à mort par Staline, et les choses
en effet intangibles, au-delà des cheveux et des dents et des fronts, les
sourires, les frustrations, les rires, la terreur, les amours, la faim de
chacun de ces millions d'Ukrainiens, tout comme les cheveux d'une fille juive
ou d'un garçon, d'un homme ou d'une femme que quelqu'un a autrefois aimé, et
les dents et les fronts, les sourires et les frustrations, les rires et la
terreur de six millions de Juifs tués pendant l'Holocauste sont maintenant
perdus ou seront bientôt perdus, parce que aucun livre, quel qu'en soit le
nombre, ne pourra jamais les documenter toutes, même si ces livres devaient
être écrits, ce qu'ils ne seront pas et ne pourront pas être ; tout cela sera
perdu aussi, les jolies jambes et la surdité, et la vigueur de leur démarche en
descendant du train avec une pile de livres d'école sous le bras, les rituels
secrets des familles et les recettes pour les gâteaux, les ragoûts et les golaki, la bonté et la méchanceté, les sauveurs et les traîtres, leur sauvetage et
leur trahison : presque tout sera perdu, à la fin, aussi sûrement que ce qui
faisait l'essentiel de la vie des Egyptiens, des Incas, des Hittites a été
perdu. Mais pendant un certain temps, une partie peut être sauvée, si
seulement, face à l'immensité de tout ce qu'il y a et de tout ce qu'il y a eu,
quelqu'un prend la décision de regarder en arrière, de jeter un dernier coup
d'œil, de chercher un moment parmi les débris du passé pour voir non seulement
ce qui a été perdu, mais aussi ce qui peut encore y être trouvé.
     
     
    Il se trouve que
c'est des coups d'œil en arrière dont ma mère a fini par parler ce soir-là,
lorsque j'ai appelé de mon hôtel.
    Oui, avais-je dit, faisant écho à ce qu'elle venait de dire,
c'était bien que Froma ait été là. Grâce à Dieu, elle faisait toujours ce truc
à elle, ce Attendez ! Il y a encore autre chose ! Il faut que nous
retournions ! J'ai ri en

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