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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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Jäger s'est assis pour écrire une
lettre désespérée à un parent à New York. C'était un lundi. Il y a eu d'autres
lettres écrites par Shmiel à sa famille aux États-Unis, mais c'est cette
lettre, je m'en rends compte à présent, qui contient toutes les raisons pour
lesquelles nous sommes revenus à Bolechow. Plus que tout, c'est elle qui fait
le lien avec les deux autres dates : les préparatifs qui ont porté leurs fruits
en août 2001, les plans qui ont été mis en place en août 1941.
     
    Quand je pense aujourd'hui à ce
dimanche, lorsque nous sommes finalement parvenus à Bolechow, point culminant
d'un voyage qui avait exigé des mois de préparation, plusieurs milliers de
dollars, une coordination minutieuse entre un grand nombre de gens sur deux
continents, tout cela pour un voyage qui allait durer à peine six jours, dont
un seulement, en réalité, serait passé à faire ce que nous étions venus faire,
à savoir parler aux gens dans cet endroit crucial qu'était Bolechow, la ville
dont j'avais entendu parler, et au sujet de laquelle j'avais pensé, rêvé et
écrit pendant près de trente ans un endroit dont j'avais pensé (alors) qu'il
serait le seul où je pourrais découvrir ce qui leur était arrivé à tous – 
quand je pense à tout ça, j'ai honte de notre décontraction, de notre mauvaise
préparation et de notre naïveté.
    Nous étions venus, après tout, sans la moindre idée de ce
que nous pourrions trouver. Quelques mois plus tôt, en janvier, quand l'idée de
ce voyage avait pris forme pour la première fois, j'avais envoyé un e-mail à
Alex Dunai à L'viv, lui demandant s'il y avait à sa connaissance encore une
personne vivant à Bolechow, assez âgée pour avoir connu ma famille. Alex m'a
répondu pour me dire qu'il avait parlé avec le maire de la ville et que la
réponse était oui. La ville était minuscule, a-t-il dit ; si nous venions, il
nous suffirait de marcher dans les rues et de parler à quelques personnes pour
savoir qui avait pu connaître Shmiel et sa famille, qui serait en mesure de
nous raconter ce qui s'était passé en réalité. Comme j'étais déterminé à y
aller de toute façon –  comme j'avais été obsédé depuis le début par
l'idée de m'y rendre tout simplement, comme si l'atmosphère et le sol de
l'endroit pouvaient nous transmettre quelque chose de concret et de
vrai –, cela m'avait suffi. C'était sur cette mince possibilité –  la
possibilité que nous pourrions, pourrions simplement, tomber par hasard, un
dimanche après-midi, sur un Ukrainien qui serait non seulement assez âgé pour
avoir été adulte, soixante ans plus tôt, ce qui était déjà beaucoup demander,
mais encore les aurait connus –  que je m'étais engagé à m'y rendre, avec
mes frères et ma sœur, même si je ne leur avais pas dit, à ce moment-là, à quel
point les chances étaient réduites.
    Par conséquent, au cœur de ce voyage, qui avait l'air d'être
un symbole, presque un cliché sur l'entente familiale, il y avait une 
tromperie cachée.
    Pourtant, nous avons bien fini par découvrir ce qui était
arrivé a Oncle Shmiel et à sa famille... par hasard ; et c'est peut-être pour
cette raison qu'il n'est pas nécessaire que je me sente coupable, même a
présent, comme cela m'arrive parfois, d'avoir emmené mes frères et ma sœur pour
un voyage qui aurait été probablement unique et, essentiellement, raté pour ce
qui est de la collecte des informations, s'il n'y avait eu le cousin germain de
ma mère en Israël, Elkana... Elkana, le dernier mâle sur terre à être un Jäger
né à Bolechow, qui avait abandonné le nom de famille, pris un nom hébraïque et
scellé, de ce fait, l'extinction, en quelque sorte, d'une certaine partie de
l'héritage de la famille de ma mère, même si le fait qu'il y a encore des Jäger
en Israël, même sous un autre nom, a permis la survie de cette chose plus
primitive, plus biologique, que sont les gènes de la famille. Elkana, le
fabuleux, le légendaire cousin qui (nous le savions) était une sorte de grand macher en Israël, qui avait fait sauter des ponts pendant la guerre d'Indépendance
et qui, lors de ses rares visites à Long Island pour nous voir, obtenait de la
police locale qu'elle le transportât jusque chez nous en hélicoptère, pour
notre plus grande joie et non sans provoquer une secrète jalousie chez les
autres enfants du quartier. Elkana, qui avait gardé le sens familial de sa
propre importance, une

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