Les disparus
ville, a été la première lecture de
l'année, ils ont eu des raisons de s'interroger. Car parashat Bereishit contient
non seulement des thèmes qui sont d'un grand intérêt en général — la Création
bien sûr, mais aussi l'expulsion et l'annihilation, et en particulier les
mensonges et les tromperies, depuis les demi-vérités séduisantes du serpent
jusqu'aux tromperies intéressées qui circulent dans les familles, à commencer
par la toute première famille humaine — mais encore contient en son centre
l'histoire de Caïn et Abel, le plus grand récit biblique sur le
péché originel fratricide, sa tentative la plus complète pour expliquer les
origines des tensions et des violences qui planent au-dessus des familles, mais
aussi au-dessus des peuples de la terre.
Comprenant les seize premiers
versets du chapitre 4 de la Genèse, le récit est désormais familier : comment
Adam a connu Eve, qui a été enceinte et donné naissance à Caïn, un événement
qui l'a poussée à prétendre, « J'ai créé un homme avec YHWH ! »
; comment elle a ensuite donné naissance au jeune frère, Abel. Comment,
curieusement, c 'est le jeune frère qui a eu la tâche la plus plaisante de
surveiller les troupeaux, pendant que l'aîné travaillait péniblement la terre,
et comment lorsque les frères ont fait leurs offrandes à Dieu, les fruits de la
terre et le premier-né du troupeau, Dieu a accepté l'offrande du plus jeune,
mais pas l'offrande de l'aîné, et comment cela a rendu furieux Caïn, « qui
avait un visage abattu ». Comment Dieu a réprimandé Caïn, en l'avertissant
que le péché « était à sa porte » et qu'il devait le
« dominer » ; et comment Caïn n'a pas, à la fin, dominé cette
impulsion pécheresse, mais a fait venir son frère dans un champ et l’a tué.
Comment Dieu omniscient a exigé d'apprendre de Caïn où était son frère,
question à laquelle Caïn a fait cette fameuse réponse, pleine de cette
effronterie boudeuse, bien connue des parents d'enfants coupables :
« Suis-je le gardien de mon frère ? » Comment Dieu clame alors que le
sang d'Abel « crie du sol » et maudit Caïn, le condamnant à errer sur
la terre. Puis l'angoisse de Caïn, l'expulsion, la marque sur son front.
En dépit de sa raideur
archaïque, c'est une histoire qui, pour quiconque a une famille — parents,
frères et sœurs, ou les deux —, c'est-à-dire tout le monde, va paraître
étrangement familière. Le jeune couple, l'arrivée du premier enfant ; l'arrivée
du premier frère, impliquant des émotions plus complexes, un certain compromis
; les germes d'une obscure compétition ; la désapprobation parentale la honte,
les mensonges, les tromperies. La violence dans un moment de – quoi ? Le
départ qui est à la fois une fuite et un exil.
Un lundi de janvier 1939, Shmiel Jäger, qui était alors un
homme d'affaires de quarante-trois ans, avec une femme et quatre enfants, s'est
assis pour écrire la première de ces lettres. Il est vrai que presque tous les
aspects des rapports de mon grand-père avec son frère aîné doivent rester
soumis à conjectures, puisque l'esprit de Shmiel s'est transformé depuis
longtemps en molécules et atomes dans l'atmosphère de la petite ville de
Belzec, tandis que la matière qui faisait de mon grand-père ce qu'il était
s'est depuis longtemps décomposée et est retournée à la terre de ce petit
emplacement du Mount Judah Cemetery, dans le Queens, réservé aux Juifs
originaires de Bolechow. Mais il y a certains aspects de cette lettre, des
choses concrètes, des choses que la lettre dit vraiment et que, par conséquent,
je n'ai pas besoin de conjecturer, qui m'obligent à penser aux querelles de
famille, à la proximité et à la distance, et à l’ « intimité »,
non spatiales et temporelles, mais émotionnelles.
La lettre commence par une date que Shmiel a écrite comme
suit : 16/1/1939. 16 janvier 1939. Je sais que le 16 janvier tombait un lundi, en 1939. Naturellement, ce fait est
vérifiable de bien des façons, puisqu'il existe maintenant des sites Internet
qui, en un dixième de seconde, peuvent fournir au chercheur le plus désinvolte
des quantités infinies de données calendaires, géographiques, topographiques et
autres. Par exemple, il y a un certain nombre de sites qui vous disent à quelle
date de n'importe quelle année du siècle passé a eu lieu la lecture rituelle
d'une parashah donnée ou portion hebdomadaire de
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