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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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tesmoignages
d'imbecillité : C'est donc follie de craindre Dieu. Dieu est
bon par sa nature ; l'homme par son industrie, qui est plus.
La sagesse divine, et l'humaine sagesse n'ont autre distinction,
sinon que celle-la est eternelle. Or la durée n'est aucune
accession à la sagesse : Parquoy nous voyla compagnons. Nous
avons vie, raison et liberté, estimons la bonté, la charité, et la
justice : ces qualitez sont donc en luy. Somme le bastiment et
le desbastiment, les conditions de la divinité, se forgent par
l'homme selon la relation à soy. Quel patron et quel modele !
Estirons, eslevons, et grossissons les qualitez humaines tant qu'il
nous plaira. Enfle toy pauvre homme, et encore, et encore, et
encore,
    non si te ruperis,
inquit
.
    Profecto non Deum, quem cogitare non possunt, sed semet
ipsos pro illo cogitantes, non illum, sed seipsos, non illi, sed
sibi comparant
. Es choses naturelles les effects ne rapportent
qu'à demy leurs causes. Quoy cette-cy ? elle est au dessus de
l'ordre de nature, sa condition est trop hautaine, trop esloignée,
et trop maistresse, pour souffrir que noz conclusions l'attachent
et la garottent. Ce n'est par nous qu'on y arrive, cette routte est
trop basse. Nous ne sommes non plus pres du ciel sur le mont Senis,
qu'au fond de la mer : consultez en pour voir avec vostre
astrolabe. Ils ramenent Dieu jusques à l'accointance charnelle des
femmes, à combien de fois, à combien de generations. Paulina femme
de Saturninus, matrone de grande reputation à Rome, pensant coucher
avec le dieu Serapis, se trouve entre les bras d'un sien amoureux,
par le macquerellage des Prestres de ce temple.
    Varro le plus subtil et le plus sçavant autheur Latin, en ses
livres de la
Theologie
, escrit, que le secrestin de
Hercules, jectant au sort d'une main pour soy, de l'autre, pour
Hercules, joüa contre luy un soupper et une garse : s'il
gaignoit, aux despens des offrandes : s'il perdoit, aux siens.
Il perdit, paya son soupper et sa garse. Son nom fut Laurentine,
qui veid de nuict ce Dieu entre ses bras, luy disant au surplus,
que le lendemain, le premier qu'elle rencontreroit, la payeroit
celestement de son salaire. Ce fut Taruncius, jeune homme riche,
qui la mena chez luy, et avec le temps la laissa heritiere. Elle à
son tour, esperant faire chose aggreable à ce Dieu, laissa heritier
le peuple Romain : Pourquoy on luy attribua des honneurs
divins.
    Comme s'il ne suffisoit pas, que par double estoc Platon fust
originellement descendu des Dieux, et avoir pour autheur commun de
sa race, Neptune : il estoit tenu pour certain à Athenes,
qu'Ariston ayant voulu jouïr de la belle Perictyone, n'avoit sçeu.
Et fut adverti en songe par le dieu Apollo, de la laisser impollue
et intacte, jusques à ce qu'elle fust accouchée. C'estoient le pere
et mere de Platon. Combien y a il és histoires, de pareils
cocuages, procurez par les Dieux, contre les pauvres humains ?
et des maris injurieusement descriez en faveur des
enfants ?
    En la religion de Mahomet, il se trouve par la croyance de ce
peuple, assés de Merlins : assavoir enfants sans pere,
spirituels, nays divinement au ventre des pucelles : et
portent un nom, qui le signifie en leur langue.
    Il nous faut noter, qu'à chasque chose, il n'est rien plus cher,
et plus estimable que son estre (Le Lyon, l'aigle, le daulphin, ne
prisent rien au dessus de leur espece) et que chacune rapporte les
qualitez de toutes autres choses à ses propres qualitez :
Lesquelles nous pouvons bien estendre et racourcir, mais c'est
tout ; car hors de ce rapport, et de ce principe, nostre
imagination ne peut aller, ne peut rien diviner autre, et est
impossible qu'elle sorte de là, et qu'elle passe au delà. D'où
naissent ces anciennes conclusions. De toutes les formes, la plus
belle est celle de l'homme : Dieu donc est de cette forme. Nul
ne peut estre heureux sans vertu : ny la vertu estre sans
raison : et nulle raison loger ailleurs qu'en l'humaine
figure : Dieu est donc revestu de l'humaine figure.
     
    Ita est informatum anticipatum mentibus nostris, ut homini,
cum de Deo cogitet, forma occurrat humana.
    Pourtant disoit plaisamment Xenophanes, que si les animaux se
forgent des dieux, comme il est vray-semblable qu'ils facent, ils
les forgent certainement de mesme eux, et se glorifient, comme
nous. Car pourquoy ne dira un oyson ainsi : Toutes les pieces
de l'univers me regardent, la terre me sert à marcher, le Soleil à
m'esclairer, les estoilles à

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