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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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mais un fruit plus
apparent et plus solide : qui fut, le soudain changement et
amendement de sa premiere vie. Qui a jamais senti un tel effect de
nostre discipline ?
    faciasne quod olim
Mutatus Polemon, ponas insignia morbi,
Fasciolas, cubital, focalia, potus ut ille
Dicitur ex collo furtim carpsisse coronas,
Postquam est impransi correptus voce magistri
.
    La moins dedeignable condition de gents, me semble estre, celle
qui par simplesse tient le dernier rang : et nous offrir un
commerce plus reiglé. Les moeurs et les propos des paysans, je les
trouve communement plus ordonnez selon la prescription de la vraye
philosophie, que ne sont ceux de noz philosophes
Plus sapit
vulgus, quia tantum, quantum opus est, sapit
.
    Les plus notables hommes que j'aye jugé, par les apparences
externes (car pour les juger à ma mode, il les faudroit esclairer
de plus pres) c'ont esté, pour le faict de la guerre, et suffisance
militaire, le Duc de Guyse, qui mourut à Orleans, et le feu
Mareschal Strozzi. Pour gens suffisans, et de vertu non commune,
Olivier, et l'Hospital Chanceliers de France. Il me semble aussi de
la Poësie qu'elle a eu sa vogue en nostre siecle. Nous avons
abondance de bons artisans de ce mestier-la, Aurat, Beze, Buchanan,
l'Hospital, Mont-doré, Turnebus. Quant aux François, je pense
qu'ils l'ont montée au plus haut degré où elle sera jamais :
et aux parties, en quoy Ronsart et du Bellay excellent, je ne les
treuve gueres esloignez de la perfection ancienne. Adrianus
Turnebus sçavoit plus, et sçavoit mieux ce qu'il sçavoit, qu'homme
qui fust de son siecle, ny loing au delà.
    Les vies du Duc d'Albe dernier mort, et de nostre Connestable de
Monmorancy, ont esté des vies nobles, et qui ont eu plusieurs rares
ressemblances de fortune. Mais la beauté, et la gloire de la mort
de cettuy-cy, à la veuë de Paris, et de son Roy ; pour leur
service contre ses plus proches ; à la teste d'une armée
victorieuse par sa conduitte ; et d'un coup de main, en si
extreme vieillesse, me semble meriter qu'on la loge entre les
remerquables evenemens de mon temps.
    Comme aussi, la constante bonté, douceur de moeurs, et facilité
consciencieuse de Monsieur de la Nouë, en une telle injustice de
parts armées (vraye eschole de trahison, d'inhumanité, et de
brigandage) où tousjours il s'est nourry, grand homme de guerre, et
tres-experimenté.
    J'ay pris plaisir à publier en plusieurs lieux, l'esperance que
j'ay de Marie de Gournay le Jars ma fille d'alliance : et
certes aymée de moy beaucoup plus que paternellement, et enveloppée
en ma retraitte et solitude, comme l'une des meilleures parties de
mon propre estre. Je ne regarde plus qu'elle au monde. Si
l'adolescence peut donner presage, cette ame sera quelque jour
capable des plus belles choses, et entre autres de la perfection de
cette tressaincte amitié, où nous ne lisons point que son sexe ait
peu monter encores : la sincerité et la solidité de ses
moeurs, y sont desja battantes, son affection vers moy plus que
sur-abondante : et telle en somme qu'il n'y a rien à
souhaiter, sinon que l'apprehension qu'elle a de ma fin, par les
cinquante et cinq ans ausquels elle m'a rencontré, la travaillast
moins cruellement. Le jugement qu'elle fit des premiers
Essays
, et femme, et en ce siecle, et si jeune, et seule
en son quartier, et la vehemence fameuse dont elle m'ayma et me
desira long temps sur la seule estime qu'elle en print de moy,
avant m'avoir veu, c'est un accident de tres-digne
consideration.
    Les autres vertus ont eu peu, ou point de mise en cet
aage : mais la vaillance, elle est devenue populaire par noz
guerres civiles : et en cette partie, il se trouve parmy nous,
des ames fermes, jusques à la perfection, et en grand nombre, si
que le triage en est impossible à faire.
    Voila tout ce que j'ay cognu, jusques à cette heure,
d'extraordinaire grandeur et non commune.

Chapitre 18 Du desmentir
    VOIRE mais, on me dira, que ce dessein de se servir de soy, pour
subject à escrire, seroit excusable à des hommes rares et fameux,
qui par leur reputation auroyent donné quelque desir de leur
cognoissance. Il est certain, je l'advoüe ; et sçay bien que
pour voir un homme de la commune façon, à peine qu'un artisan leve
les yeux de sa besongne : là où pour voir un personnage grand
et signalé, arriver en une ville, les ouvroirs et les boutiques
s'abandonnent. Il messiet à tout autre de se faire cognoistre, qu'à
celuy qui a dequoy se faire

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