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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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entreprises : et de ceux encore desquels la
presence y eust esté plus nuisible, qu'utile. Mais nul Prince
vertueux et courageux pourra souffrir, qu'on l'entretienne de si
honteuses instructions. Soubs couleur de conserver sa teste, comme
la statue d'un sainct, à la bonne fortune de son estat, ils le
degradent de son office, qui est tout en action militaire, et l'en
declarent incapable. J'en sçay un, qui aymeroit bien mieux estre
battu, que de dormir, pendant qu'on se battroit pour luy : et
qui ne vid jamais sans jalousie, ses gents mesmes, faire quelque
chose de grand en son absence. Et Selym premier disoit avec raison,
ce me semble, que les victoires, qui se gaignent sans le maistre,
ne sont pas completes. De tant plus volontiers eust-il dit, que ce
maistre devroit rougir de honte, d'y pretendre part pour son nom,
n'y ayant embesongné que sa voix et sa pensée : Ny celà mesme,
veu qu'en telle besongne, les advis et commandemens, qui apportent
l'honneur, sont ceux-là seulement, qui se donnent sur le champ, et
au propre de l'affaire. Nul pilote n'exerce son office de pied
ferme. Les Princes de la race Hottomane, la premiere race du monde
en fortune guerriere, ont chauldement embrassé cette opinion :
Et Bajazet second avec son filz, qui s'en despartirent, s'amusants
aux sciences et autres occupations casanieres, donnerent aussi de
bien grands soufflets à leur Empire : et celuy qui regne à
present, Ammurath troisiesme, à leur exemple, commence assez bien
de s'en trouver de mesme. Fust-ce pas le Roy d'Angleterre, Edouard
troisiesme, qui dit de nostre Roy Charles cinquiesme, ce mot ?
Il n'y eut onques Roy, qui moins s'armast, et si n'y eut onques
Roy, qui tant me donnast à faire. Il avoit raison de le trouver
estrange, comme un effect du sort, plus que de la raison. Et
cherchent autre adherent, que moy, ceux qui veulent nombrer entre
les belliqueux et magnanimes conquerants, les Roys de Castille et
de Portugal, de ce qu'à douze cents lieuës de leur oisive demeure,
par l'escorte de leurs facteurs, ils se sont rendus maistres des
Indes d'une et d'autre part : desquelles c'est à sçavoir,
s'ils auroyent seulement le courage d'aller j'ouyr en presence.
    L'Empereur Julian disoit encore plus, qu'un philosophe et un
galant homme, ne devoient pas seulement respirer : c'est à
dire, ne donner aux necessitez corporelles, que ce qu'on ne leur
peut refuser ; tenant tousjours l'ame et le corps embesongnez
à choses belles, grandes et vertueuses : Il avoit honte si en
public on le voyoit cracher ou suer (ce qu'on dit aussi de la
jeunesse Lacedemonienne, et Xenophon de la Persienne) par ce qu'il
estimoit que l'exercice, le travail continuel, et la sobrieté,
devoient avoir cuit et asseché toutes ces superfluitez. Ce que dit
Seneque ne joindra pas mal en cet endroict, que les anciens Romains
maintenoient leur jeunesse droite : ils n'apprenoient, dit-il,
rien à leurs enfans, qu'ils deussent apprendre assis.
    C'est une genereuse envie, de vouloir mourir mesmeutilement et
virilement : mais l'effect n'en gist pas tant en nostre bonne
resolution, qu'en nostre bonne fortune. Mille ont proposé de
vaincre, ou de mourir en combattant, qui ont failli à l'un et à
l'autre : les blesseures, les prisons, leur traversant ce
dessein, et leur prestant une vie forcée. Il y a des maladies, qui
atterrent jusques à noz desirs, et nostre cognoissance. Fortune ne
devoit pas seconder la vanité des legions Romaines, qui
s'obligerent par serment, de mourir ou de vaincre.
Victor,
Marce Fabi, revertar ex acie : Si fallo, Jovem patrem
Gradivúmque Martem aliósque iratos invoco Deos
. Les Portugais
disent, qu'en certain endroit de leur conqueste des Indes ils
rencontrerent des soldats, qui s'estoyent condamnez avec horribles
execrations, de n'entrer en aucune composition, que de se faire
tuer, ou demeurer victorieux : et pour marque de ce voeu,
portoyent la teste et la barbe rase. Nous avons beau nous hazarder
et obstiner. Il semble que les coups fuyent ceux, qui s'y
presentent trop alaigrement : et n'arrivent volontiers à qui
s'y presente trop volontiers, et corrompt leur fin. Tel ne pouvant
obtenir de perdre sa vie, par les forces adversaires, apres avoir
tout essayé, a esté contraint, pour fournir à sa resolution, d'en
r'apporter l'honneur, ou de n'en rapporter pas la vie : se
donner soy mesme la mort, en la chaleur propre du combat. Il en est
d'autres exemples : Mais en voicy un. Philistus, chef de
l'armée de Mer du

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