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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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vers luy. Et disent
aucuns, que cette vistesse d'aller, revient à la mesure du vol des
gruës.
    Cæsar dit que Lucius Vibulus Rufus, ayant haste de porter un
advertissement à Pompeius, s'achemina vers luy jour et nuict,
changeant de chevaux, pour faire diligence. Et luy mesme, à ce que
dit Suetone, faisoit cent mille par jour, sur un coche de
louage : Mais c'estoit un furieux courrier : car où les
rivieres luy tranchoient son chemin, il les franchissoit à
nage : et ne se destourna jamais pour querir un pont, ou un
gué. Tiberius Nero allant voir son frere Drusus, malade en
Allemaigne, fit deux cens mille, en vingt quatre heures, ayant
trois coches.
    En la guerre des Romains contre le Roy Antiochus, T. Sempronius
Gracchus, dit Tite-Live,
per dispositos equos prope incredibili
celeritate ab Amphissa tertio die Pellam pervenit 
: et
appert à veoir le lieu, que c'estoient postes assises, non
freschement ordonnées pour ceste course.
    L'invention de Cecinna à renvoyer des nouvelles à ceux de sa
maison, avoit bien plus de promptitude : il emporta quand et
soy des arondelles, et les relaschoit vers leurs nids, quand il
vouloit r'envoyer de ses nouvelles, en les teignant de marque de
couleur propre à signifier ce qu'il vouloit, selon qu'il avoit
concerté avec les siens. Au theatre à Rome, les maistres de
famille, avoient des pigeons dans leur sein, ausquels ils
attachoyent des lettres, quand ils vouloient mander quelque chose à
leurs gens au logis : et estoient dressez à en rapporter
response. D. Brutus en usa assiegé à Mutine, et autres
ailleurs.
    Au Peru, ils couroyent sur les hommes, qui les chargeoient sur
les espaules à tout des portoires, par telle agilité, que tout en
courant, les premiers porteurs rejettoyent aux seconds leur charge,
sans arrester un pas.
    J'entends que les Valachi, courriers du grand Seigneur, font des
extremes diligences : d'autant qu'ils ont loy de desmonter le
premier passant qu'ils trouvent en leur chemin, en luy donnant leur
cheval recreu : Pour se garder de lasser, ils se serrent à
travers le corps bien estroittement, d'une bande large comme font
assez d'autres. Je n'ay trouvé nul sejour à cet usage.

Chapitre 23 Des mauvais moyens employez à bonne fin
    IL se trouve une merveilleuse relation et correspondance, en
ceste universelle police des ouvrages de nature : qui monstre
bien qu'elle n'est ny fortuite ny conduite par divers maistres. Les
maladies et conditions de nos corps, se voyent aussi aux estats et
polices : les royaumes, les republiques naissent, fleurissent
et fanissent de vieillesse, comme nous. Nous sommes subjects à une
repletion d'humeurs inutile et nuysible, soit de bonnes humeurs,
(car cela mesme les medecins le craignent : et par ce qu'il
n'y a rien de stable chez nous, ils disent que la perfection de
santé trop allegre et vigoureuse, il nous la faut essimer et
rabatre par art, de peur que nostre nature ne se pouvant rassoir en
nulle certaine place, et n'ayant plus où monter pour s'ameliorer,
ne se recule en arriere en desordre et trop à coup : ils
ordonnent pour cela aux Atletes les purgations et les saignées,
pour leur soustraire ceste superabondance de santé) soit repletion
de mauvaises humeurs, qui est l'ordinaire cause des maladies.
    De semblable repletion se voyent les estats souvent
malades : et a lon accoustumé d'user de diverses sortes de
purgation. Tantost on donne congé à une grande multitude de
familles, pour en descharger le païs, lesquelles vont chercher
ailleurs où s'accommoder aux despens d'autruy. De ceste façon nos
anciens Francons partis du fons d'Alemaigne, vindrent se saisir de
la Gaule, et en deschasser les premiers habitans : ainsi se
forgea ceste infinie marée d'hommes, qui s'escoula en Italie soubs
Brennus et autres : ainsi les Gots et Vuandales : comme
aussi les peuples qui possedent à present la Grece, abandonnerent
leur naturel païs pour s'aller loger ailleurs plus au large :
et à peine est il deux ou trois coins au monde, qui n'ayent senty
l'effect d'un tel remuement. Les Romains bastissoient par ce moyen
leurs colonies : car sentans leur ville se grossir outre
mesure, ils la deschargeoient du peuple moins necessaire, et
l'envoyoient habiter et cultiver les terres par eux conquises. Par
fois aussi ils ont à escient nourry des guerres avec aucuns leurs
ennemis, non seulement pour tenir leurs hommes en haleine, de peur
que l'oysiveté mere de corruption, ne leur apportast quelque

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