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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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toutes choses personnage tres-excellent et
tres-vertueux. Et je ne veux alleguer autre reproche contre le
jugement de Dion, que cestuy-cy, qui est inevitable : c'est
qu'il a le sentiment si malade aux affaires Romaines, qu'il ose
soustenir la cause de Julius Cæsar contre Pompeius, et d'Antonius
contre Cicero.
    Venons à Plutarque : Jean Bodin est un bon autheur de
nostre temps, et accompagné de beaucoup plus de jugement que la
tourbe des escrivailleurs de son siecle, et merite qu'on le juge et
considere. Je le trouve un peu hardy en ce passage de sa Methode de
l'histoire, où il accuse Plutarque non seulement d'ignorance
(surquoy je l'eusse laissé dire : car cela n'est pas de mon
gibier) mais aussi en ce que cet autheur escrit souvent des choses
incroyables et entierement fabuleuses (ce sont ses mots.) S'il eust
dit simplement, les choses autrement qu'elles ne sont, ce n'estoit
pas grande reprehension : car ce que nous n'avons pas veu,
nous le prenons des mains d'autruy et à credit : et je voy
qu'à escient il recite par fois diversement mesme histoire :
comme le jugement des trois meilleurs capitaines qui eussent onques
esté, faict par Hannibal, il est autrement en la vie de Flaminius,
autrement en celle de Pyrrhus. Mais de le charger d'avoir pris pour
argent content, des choses incroyables et impossibles, c'est
accuser de faute de jugement, le plus judicieux autheur du
monde.
    Et voicy son exemple : Comme (ce dit-il) quand il recite
qu'un enfant de Lacedemone se laissa deschirer tout le ventre à un
renardeau, qu'il avoit desrobé, et le tenoit caché soubs sa robe,
jusques à mourir plustost que de descouvrir son larecin. Je trouve
en premier lieu cet exemple mal choisi : d'autant qu'il est
bien malaisé de borner les efforts des facultez de l'ame, là où des
forces corporelles, nous avons plus de loy de les limiter et
cognoistre : Et à ceste cause, si c'eust esté à moy à faire,
j'eusse plustost choisi un exemple de ceste seconde sorte : et
il y en a de moins croyables : Comme entre autres, ce qu'il
recite de Pyrrhus, que tout blessé qu'il estoit, il donna si grand
coup d'espée à un sien ennemy armé de toutes pieces, qu'il le
fendit du haut de la teste jusques au bas, si que le corps se
partit en deux parts. En son exemple, je n'y trouve pas grand
miracle, ny ne reçois l'excuse de quoy il couvre Plutarque, d'avoir
adjousté ce mot (
comme on dit
) pour nous advertir, et
tenir en bride nostre creance. Car si ce n'est aux choses receuës
par authorité et reverence d'ancienneté ou de religion, il n'eust
voulu ny recevoir luy mesme, ny nous proposer à croire, choses de
soy incroyables : Et que ce mot (
comme on dit
) il ne
l'employe pas en ce lieu pour cet effect, il est aysé à voir par ce
que luy mesme nous raconte ailleurs sur ce subject de la patience
des enfans Lacedemoniens, des exemples advenuz de son temps plus
mal-aisez à persuader : Comme celuy que Cicero a tesmoigné
aussi avant luy, pour avoir, à ce qu'il dit, esté sur les
lieux : Que jusques à leur temps, il se trouvoit des enfans en
ceste preuve de patience, à quoy on les essayoit devant l'autel de
Diane, qui souffroyent d'y estre fouëtez jusques à ce que le sang
leur couloit par tout non seulement sans s'escrier, mais encores
sans gemir, et aucuns jusques à y laisser volontairement la vie. Et
ce que Plutarque aussi recite, avec cent autres tesmoins, qu'au
sacrifice, un charbon ardent s'estant coulé dans la manche d'un
enfant Lacedemonien, ainsi qu'il encensoit, il se laissa brusler
tout le bras, jusques à ce que la senteur de la chair cuyte en vint
aux assistans. Il n'estoit rien selon leur coustume, où il leur
allast plus de là reputation, ny dequoy ils eussent à souffrir plus
de blasme et de honte, que d'estre surpris en larecin. Je suis si
imbu de la grandeur de ces hommes là, que non seulement il ne me
semble, comme à Bodin, que son conte soit incroyable, que je ne le
trouve pas seulement rare et estrange.
    L'histoire Spartaine est pleine de mille plus aspres exemples et
plus rares : elle est à ce prix toute miracle.
    Marcellinus recite sur ce propos du larecin, que de son temps il
ne s'estoit encores peu trouver aucune sorte de tourment, qui peust
forcer les Egyptiens surpris en ce mesfaict : qui estoit fort
en usage entre eux, à dire seulement leur nom.
    Un paisan Espagnol estant mis à la gehenne sur les complices de
l'homicide du præteur Lucius Piso, crioit au milieu des tourmens,
que ses amis

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