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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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main de
ce grand architecte, et qu'il n'y ait quelque image és choses du
monde raportant aucunement à l'ouvrier, qui les a basties et
formées. Il a laissé en ces hauts ouvrages le charactere de sa
divinité, et ne tient qu'à nostre imbecillité, que nous ne le
puissions descouvrir. C'est ce qu'il nous dit luy-mesme, que ses
operations invisibles, il nous les manifeste par les visibles.
Sebonde s'est travaillé à ce digne estude, et nous montre comment
il n'est piece du monde, qui desmente son facteur. Ce seroit faire
tort à la bonté divine, si l'univers ne consentoit à nostre
creance. Le ciel, la terre, les elemens, nostre corps et nostre
ame, toutes choses y conspirent : il n'est que de trouver le
moyen de s'en servir : elles nous instruisent, si nous sommes
capables d'entendre. Car ce monde est un temple tressainct, dedans
lequel l'homme est introduict, pour y contempler des statues, non
ouvrées de mortelle main, mais celles que la divine pensée a faict
sensibles, le Soleil, les estoilles, les eaux et la terre, pour
nous representer les intelligibles. Les choses invisibles de Dieu,
dit Sainct Paul, apparoissent par la creation du monde, considerant
sa sapience eternelle, et sa divinité par ses oeuvres.
    Atque adeo faciem coeli non
invidet orbi
Ipse Deus, vultúsque suos corpúsque recludit
Semper volvendo : séque ipsum inculcat Et offert,
Ut bene cognosci possit, doceátque videndo
Qualis eat, doceátque suas attendere leges
.
    Or nos raisons et nos discours humains c'est comme la matiere
lourde et sterile : la grace de Dieu en est la forme :
c'est elle qui y donne la façon et le prix. Tout ainsi que les
actions vertueuses de Socrates et de Caton demeurent vaines et
inutiles pour n'avoir eu leur fin, et n'avoir regardé l'amour et
obeyssance du vray createur de toutes choses, et pour avoir ignoré
Dieu : Ainsin est-il de nos imaginations et discours :
ils ont quelque corps, mais une masse informe, sans façon et sans
jour, si la foy et grace de Dieu n'y sont joinctes. La foy venant à
teindre et illustrer les argumens de Sebonde, elle les rend fermes
et solides : ils sont capables de servir d'acheminement, et de
premiere guyde à un apprentif, pour le mettre à la voye de ceste
cognoissance : ils le façonnent aucunement et rendent capable
de la grace de Dieu, par le moyen de laquelle se parfournit et se
parfaict apres nostre creance. Je sçay un homme d'authorité nourry
aux lettres, qui m'a confessé avoir esté ramené des erreurs de la
mescreance par l'entremise des argumens de Sebonde. Et quand on les
despouïllera de cet ornement, et du secours et approbation de la
foy, et qu'on les prendra pour fantasies pures humaines, pour en
combatre ceux qui sont precipitez aux espouvantables et horribles
tenebres de l'irreligion, ils se trouveront encores lors, aussi
solides et autant fermes, que nuls autres de mesme condition qu'on
leur puisse opposer. De façon que nous serons sur les termes de
dire à nos parties,
    Si melius quid habes, accerse,
vel imperium fer
.
    Qu'ils souffrent la force de nos preuves, ou qu'ils nous en
facent voir ailleurs, et sur quelque autre subject, de mieux
tissuës, et mieux estoffées.
    Je me suis sans y penser à demy desja engagé dans la seconde
objection, à laquelle j'avois proposé de respondre pour
Sebonde.
    Aucuns disent que ses argumens sont foibles et ineptes à
verifier ce qu'il veut, et entreprennent de les choquer aysément.
Il faut secouër ceux cy un peu plus rudement : car ils sont
plus dangereux et plus malitieux que les premiers. On couche
volontiers les dicts d'autruy à la faveur des opinions qu'on a
prejugées en soy : A un atheïste tous escrits tirent à
l'atheïsme. Il infecte de son propre venin la matiere innocente.
Ceux cy ont quelque preoccupation de jugement qui leur rend le
goust fade aux raisons de Sebonde. Au demeurant il leur semble
qu'on leur donne beau jeu, de les mettre en liberté de combattre
nostre religion par les armes pures humaines, laquelle ils
n'oseroyent attaquer en sa majesté pleine d'authorité et de
commandement. Le moyen que je prens pour rabatre ceste frenesie, et
qui me semble le plus propre, c'est de froisser et fouler aux pieds
l'orgueil, et l'humaine fierté : leur faire sentir l'inanité,
la vanité, et deneantise de l'homme : leur arracher des
points, les chetives armes de leur raison : leur faire baisser
la teste et mordre la terre, soubs l'authorité et reverence de la
majesté divine. C'est à elle

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