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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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à
croire la diversité qu'ils pretendent de leurs opinions en chose de
laquelle depend la conduitte et loy de nostre vie. Peut on veoir
partir de mesme eschole et discipline des moeurs plus unies, plus
unes ?
    Voyez l'horrible impudence dequoy nous pelotons les raisons
divines : et combien irreligieusement nous les avons et
rejettées et reprinses selon que la fortune nous a changé de place
en ces orages publiques. Ceste proposition si solenne : S'il
est permis au subject de se rebeller et armer contre son Prince
pour la defense de la religion : souvienne vous en quelles
bouches ceste année passée l'affirmative d'icelle estoit
l'arc-boutant d'un parti : la negative, de quel autre parti
c'estoit l'arc-boutant : Et oyez à present de quel quartier
vient la voix et instruction de l'une et de l'autre : et si
les armes bruyent moins pour ceste cause que pour celle la. Et nous
bruslons les gents, qui disent, qu'il faut faire souffrir à la
verité le joug de nostre besoing : et de combien faict la
France pis que de le dire ?
    Confessons la verité, qui trieroit de l'armée mesme legitime,
ceux qui y marchent par le seul zele d'une affection religieuse, et
encore ceux qui regardent seulement la protection des loix de leur
pays, ou service du Prince, il n'en sçauroit bastir une compagnie
de gens-darmes complete. D'où vient cela, qu'il s'en trouve si peu,
qui ayent maintenu mesme volonté et mesme progrez en nos mouvemens
publiques, et que nous les voyons tantost n'aller que le pas,
tantost y courir à bride avalée ? et mesmes hommes, tantost
gaster nos affaires par leur violence et aspreté, tantost par leur
froideur, mollesse et pesanteur ; si ce n'est qu'ils y sont
poussez par des considerations particulieres et casuelles, selon la
diversité desquelles ils se remuent ?
    Je voy cela evidemment, que nous ne prestons volontiers à la
devotion que les offices, qui flattent noz passions. Il n'est point
d'hostilité excellente comme la Chrestienne. Nostre zele fait
merveilles, quand il va secondant nostre pente vers la haine, la
cruauté, l'ambition, l'avarice, la detraction, la rebellion. A
contrepoil, vers la bonté, la benignité, la temperance, si, comme
par miracle, quelque rare complexion ne l'y porte, il ne va ny de
pied, ny d'aile.
    Nostre religion est faicte pour extirper les vices : elle
les couvre, les nourrit, les incite.
    Il ne faut point faire barbe de foarre à Dieu (comme on dict) Si
nous le croyions, je ne dy pas par foy, mais d'une simple
croyance : voire (et je le dis à nostre grande confusion) si
nous le croyions et cognoissions comme une autre histoire, comme
l'un de nos compaignons, nous l'aimerions au dessus de toutes
autres choses, pour l'infinie bonté et beauté qui reluit en
luy : au moins marcheroit il en mesme reng de nostre
affection, que les richesses, les plaisirs, la gloire et nos
amis.
    Le meilleur de nous ne craind point de l'outrager, comme il
craind d'outrager son voisin, son parent, son maistre. Est-il si
simple entendement, lequel ayant d'un costé l'object d'un de nos
vicieux plaisirs, et de l'autre en pareille cognoissance et
persuasion, l'estat d'une gloire immortelle, entrast en bigue de
l'un pour l'autre ? Et si nous y renonçons souvent de pur
mespris : car quelle envie nous attire au blasphemer, sinon à
l'adventure l'envie mesme de l'offense ?
    Le philosophe Antisthenes, comme on l'initioit aux mysteres
d'Orpheus, le prestre luy disant, que ceux qui se voüoyent à ceste
religion, avoyent à recevoir apres leur mort des biens eternels et
parfaicts : Pourquoy si tu le crois ne meurs tu donc toy
mesmes ? luy fit-il.
    Diogenes plus brusquement selon sa mode, et plus loing de nostre
propos, au prestre qui le preschoit de mesme, de se faire de son
ordre, pour parvenir aux biens de l'autre monde : Veux tu pas
que je croye qu'Agesilaüs et Epaminondas, si grands hommes, seront
miserables, et que toy qui n'es qu'un veau, et qui ne fais rien qui
vaille, seras bien heureux, par ce que tu és prestre ?
    Ces grandes promesses de la beatitude eternelle si nous les
recevions de pareille authorité qu'un discours philosophique, nous
n'aurions pas la mort en telle horreur que nous avons :
    Non jam se moriens dissolvi
conquereretur,
Sed magis ire foras, vestémque relinquere ut anguis
Gauderet, prælonga senex aut cornua cervus
.
    Je veux estre dissoult, dirions nous, et estre aveques
Jesus-Christ. La force du discours de Platon de l'immortalité de
l'ame, poussa bien

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