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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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animalia
cætera terram,
Os homini sublime dedit, coelúmque videre
Jussit, et erectos ad sydera tollere vultus.
    elle est vrayement poëtique : car il y a plusieurs
bestioles, qui ont la veuë renversée tout à faict vers le
ciel : et l'encoleure des chameaux, et des austruches, je la
trouve encore plus relevée et droite que la nostre.
    Quels animaux n'ont la face au haut, et ne l'ont devant, et ne
regardent vis à vis, comme nous : et ne descouvrent en leur
juste posture autant du ciel et de la terre que l'homme ?
    Et quelles qualitez de nostre corporelle constitution en Platon
et en Cicero ne peuvent servir à mille sortes de bestes ?
    Celles qui nous retirent le plus, ce sont les plus laides, et
les plus abjectes de toute la bande : car pour l'apparence
exterieure et forme du visage, ce sont les magots :
    Simia quam similis, turpissima
bestia, nobis !
    pour le dedans et parties vitales, c'est le pourceau. Certes
quand j'imagine l'homme tout nud (ouy en ce sexe qui semble avoir
plus de part à la beauté) ses tares, sa subjection naturelle, et
ses imperfections, je trouve que nous avons eu plus de raison que
nul autre animal, de nous couvrir. Nous avons esté excusables
d'emprunter ceux que nature avoit favorisé en cela plus que nous,
pour nous parer de leur beauté, et nous cacher soubs leur
despouille, de laine, plume, poil, soye.
    Remerquons au demeurant, que nous sommes le seul animal, duquel
le defaut offence nos propres compagnons, et seuls qui avons à nous
desrober en nos actions naturelles, de nostre espece. Vrayement
c'est aussi un effect digne de consideration, que les maistres du
mestier ordonnent pour remede aux passions amoureuses, l'entiere
veuë et libre du corps qu'on recherche : que pour refroidir
l'amitié, il ne faille que voir librement ce qu'on ayme.
    Ille quod obscoenas in aperto
corpore partes
Viderat, in cursu qui fuit, hæsit amor.
    Et encore que ceste recepte puisse à l'aventure partir d'une
humeur un peu delicate et refroidie : si est-ce un merveilleux
signe de nostre defaillance, que l'usage et la cognoissance nous
dégoute les uns des autres. Ce n'est pas tant pudeur, qu'art et
prudence, qui rend nos dames si circonspectes, à nous refuser
l'entrée de leurs cabinets, avant qu'elles soyent peintes et parées
pour la montre publique.
    Nec veneres nostras hoc fallit,
quo magis ipsæ
Omnia summopere hos vitæ post scenia celant,
Quos retinere volunt adstrictóque esse in amore.
    La où en plusieurs animaux, il n'est rien d'eux que nous
n'aimions, et qui ne plaise à nos sens : de façon que de leurs
excremens mesmes et de leur descharge, nous tirons non seulement de
la friandise au manger, mais nos plus riches ornemens et
parfums.
    Ce discours ne touche que nostre commun ordre, et n'est pas si
sacrilege d'y vouloir comprendre ces divines, supernaturelles et
extraordinaires beautez, qu'on voit par fois reluire entre nous,
comme des astres soubs un voile corporel et terrestre.
    Au demeurant la part mesme que nous faisons aux animaux, des
faveurs de nature, par nostre confession, elle leur est bien
avantageuse. Nous nous attribuons des biens imaginaires et
fantastiques, des biens futurs et absens, desquels l'humaine
capacité ne se peut d'elle mesme respondre : ou des biens que
nous nous attribuons faucement, par la licence de nostre opinion,
comme la raison, la science et l'honneur : et à eux, nous
laissons en partage des biens essentiels, maniables et palpables,
la paix, le repos, la securité, l'innocence et la santé : la
santé, dis-je, le plus beau et le plus riche present, que nature
nous sçache faire. De façon que la Philosophie, voire la Stoïque,
ose bien dire qu'Heraclitus et Pherecydes, s'ils eussent peu
eschanger leur sagesse avecques la santé, et se delivrer par ce
marché, l'un de l'hydropisie, l'autre de la maladie pediculaire qui
le pressoit, ils eussent bien faict. Par où ils donnent encore plus
grand prix à la sagesse, la comparant et contrepoisant à la santé,
qu'ils ne font en ceste autre proposition, qui est aussi des leurs.
Ils disent que si Circé eust presenté à Ulysses deux breuvages,
l'un pour faire devenir un homme de fol sage, l'autre de sage fol,
qu'Ulysses eust deu plustost accepter celuy de la folie, que de
consentir que Circé eust changé sa figure humaine en celle d'une
beste : Et disent que la sagesse mesme eust parlé à luy en
ceste maniere : Quitte moy, laisse moy là, plustost que de me
loger sous la figure et corps d'un

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